Refusé par Sony, sauvé par Netflix, Fixed raconte la dernière nuit de folie et d’excès du chien Bull supposé se faire castrer le lendemain, le tout dans une animation 2D héritée des Looney Tunes.
Animation
Fixedde Genndy Tartakovsky
NETFLIX
Avec Adam DeVine, Idris Elba, Kathryn Hahn. 1h26. 3/5
Le mélange improbable entre La Belle et le clochard et Very Bad Trip. C’est sans doute avec une catchphrase similaire que Genndy Tartakovsky (Le Laboratoire de Dexter, Star Wars: The Clone Wars) a tenté de vendre Fixed à Sony Pictures Animation au tout début des années 2010. Sans succès. Il faut dire que la cocasserie du projet avait de quoi faire frémir n’importe quel producteur.
Grâce au succès de sa série Primal, Tartakovsky obtient finalement le feu vert pour Fixed au début des années 2020, avant que sa sortie en salles ne soit purement et simplement annulée par Sony. Alors qu’on le pensait définitivement perdu, Netflix rachète le projet in extremis. En tout, il aura donc fallu quinze ans pour que le réalisateur parvienne à porter ses idées graveleuses à l’écran. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a pas été de main morte!
Dès les cinq premières minutes, Fixed empile avec une frontalité déconcertante les scènes de fornication entre chiens et les gros plans appuyés sur les deux «cerises» de son héros principal. A la manière de Sausage Party ou de la série Les Kassos, Fixed appartient à cette catégorie de films qu’on regarde mi-horrifié mi-amusé, impressionné par la détermination avec laquelle les animateurs repoussent une à une les frontières de ce que l’on peut habituellement montrer à l’écran.
Pourtant, au milieu de cette véritable tempête de mauvais goût, quelques blagues font sincèrement mouche. L’esthétique de Tartakovsky, toujours largement influencée par les cartoons de Tex Avery, demeure un modèle de rythme et de narration visuelle, ici soutenu par d’excellents doublages (dont Idris Elba en molosse en mal d’amour maternel). Paradoxalement, c’est lorsque le film délaisse quelque peu sa vulgarité qu’il offre ses gags les plus efficaces, même si l’humour général n’atteint jamais des sommets de subtilité.
Thématiquement, Fixed ne renouvelle pas grand-chose, livrant sans grande inspiration sa petite partition sur l’acceptation de la différence. Pourtant, en périphérie de son intrigue principal, le scénario sait ménager quelques surprises, à l’image du parcours émotionnel du chien Lucky, qui découvre son homosexualité au contact d’un chien non binaire. De quoi compenser l’humour régressif par quelques pointes de progressisme étonnantes, qui montre qu’il y a quand même un cœur qui bat derrière l’esthétique trash.
Ni chef-d’œuvre punk ni navet honteux, mais quelque part entre les deux, Fixed s’impose comme une petite curiosité au sein de l’industrie. Un film assez réjouissant par ses excès mais sans doute trop immature et extrême pour susciter une complète adhésion.