Venu de Corée du Sud et disponible sur Netflix, 84 m2 creuse le sillon «immobilier» des thrillers horrifiques.
84 m2
Netflix
Thriller de Kim Tae-joon. Avec Ha-neul Kang, Yum Hye-ran, Seo Hyun-woo. 1h58.
La cote de Focus: 2,5/5
En 1976, Roman Polanski réalisait Le Locataire, un épouvantable conte sur un homme bien sous tous rapports sombrant dans la folie à cause de la persécution ininterrompue de ses voisins. Depuis, ce sillage «immobilier» de l’horreur, pourtant propice à la paranoïa et à l’angoisse, a étonnamment été peu creusé par le cinéma de genre. C’est donc avec une certaine impatience que l’on attendait 84 m², fraîchement débarqué sur Netflix, d’autant que le cinéma sud-coréen n’a pas son pareil pour enrichir ses thrillers d’un sous-texte social souvent pertinent.
Le film débute avec une efficacité indéniable. En évoquant le quotidien tourmenté de Woo-seong, jeune homme paumé et criblé de dettes à la suite de l’achat de sa nouvelle propriété, le long métrage de Kim Tae-joon s’empare avec justesse de l’absurde crise du logement qui sévit actuellement en Corée du Sud. Une crise qui touche les jeunes, dont chaque mauvais investissement équivaut à se menotter à vie avec la banque. Outre cette situation précaire, Woo-seong doit également s’accommoder du vacarme provoqué par ses voisins, sans qu’il parvienne à déterminer avec certitude lequel d’entre eux se rend coupable des effroyables bruits qu’il entend chaque nuit. C’est sans doute ici que se cristallise l’aspect le plus stimulant du long métrage : l’habitation aseptisée, le tohu-bohu sonore et l’éternel manque d’argent de Woo-seong dessinent une sorte d’angoisse postmoderne assez saisissante, où l’horreur se loge dans une routine invivable mais banale, sans surnaturel ni bouleversements majeurs.
Il est donc particulièrement dommage de voir le film s’égarer progressivement dans une surenchère de retournements de situation aussi alambiqués que ridicules. L’escalade d’absurdités scénaristiques diluent le sentiment d’angoisse au profit d’une ultraviolence hélas plus convenue, jusqu’à ce que le final renoue avec une misanthropie radicale très en vogue dans les productions sud-coréennes –à l’image de la troisième saison de Squid Game. On préférera se rappeler du film pour son portrait inaugural: celui d’une jeune génération sacrifiée, condamnée par une société capitaliste à sombrer dans un immeuble obscur aux voisins terrifiants.