« Dear Mama »: la série qui raconte Tupac à travers le parcours de sa mère
Titre - Dear Mama
Genre - Documentaire
Réalisateur-trice - Créée par Allen Hughes
Quand et où - Disponible sur Disney+
Dear Mama retrace le destin du rappeur Tupac, par le prisme de sa mère, militante des Black Panthers. Portrait d’une Amérique contestataire.
Comment raconter Tupac Shakur, un des rappeurs les plus influents et emblématiques, sans sombrer dans l’hagiographie ou le sensationnalisme? Allen Hughes, avec son frère Albert, avait osé en 1993 Menace II Society: un coup de poing dans le foie d’une Amérique encore sonnée par les émeutes de Los Angeles un an plus tôt, consécutives à l’affaire Rodney King, ce jeune homme noir victime de violences policières et dont les agresseurs avaient été acquittés lors de leur premier procès en 1992. Cette période voit aussi l’émergence du phénomène des gangs et du gangsta rap. En solo, le réalisateur reconstitue dans Dear Mama le lignage de Tupac et dresse un portrait en overdub de sa mère Afeni Shakur, ancienne activiste politique dans le chaudron de la fin des années 1960 aux États-Unis. Organisatrice de manifestations et de happenings, membre du comité des Black Panthers, elle a été emprisonnée pour ses activités au sein des Panthers 21, accusée de terrorisme, avant de sombrer dans la drogue et de renaître. Tupac a abondamment évoqué ses années d’enfance et d’adolescence auprès d’une mère borderline. Mais alors qu’il fait peu à peu d’Afeni Shakur son héroïne, Hughes éclaire d’un jour éblouissant l’héritage politique, culturel et artistique de Tupac, sa dimension disruptive au sein de l’industrie musicale.
Les cinq épisodes de Dear Mama se démarquent de la plupart des séries documentaires biographiques sur des figures de la musique: peu de fascination ou de curiosité malsaine. C’est d’autant plus remarquable que la personnalité et l’aura de Tupac se prêtent volontiers à l’exercice sensationnaliste. Tout autant que l’impact culturel porté à sa génération par le rappeur, la série retrace le terreau culturel et militant dont il est issu. Hughes raconte avec les séquences d’archives et les témoignages appropriés la manière avec laquelle le son se fraie un chemin à travers les stigmates de l’oppression, de la discrimination, des relations familiales complexes et porteuses de profondes cicatrices. Il réussit à capter ce moment-clé, entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, où la culture musicale américaine connaît une secousse tectonique qui modifie profondément son agencement: les multiples émanations de l’underground préparent leur invasion du mainstream, prémices d’une récupération déjà écrite. On y inscrira l’irruption de Tupac sur la scène rap et musicale internationale, son aura sulfureuse et tragique, occultant le fait qu’il est davantage le rejeton d’une tradition contestataire, confuse et bouillonnante dont l’Amérique avait oublié les codes. En racontant Tupac par la transmission brisée mais radicale, contestataire, révolutionnaire d’Afeni Shakur, Allen Hughes remet à l’avant-scène un pan de l’histoire sociale et politique de l’Amérique.
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