La cinéaste signe, avec Stella, une fiction autobiographique sensible et pertinente, autour d’une fillette cherchant sa place dans le monde.
Présenté aux Giornate degli Autori, Stella, de Sylvie Verheyde, aura compté parmi les heureuses surprises d’une Mostra de Venise qui en fut par ailleurs avare. Avec ce film, son troisième long métrage (après Un Frère, en 1998, et Princesses, deux ans plus tard), la cinéaste opère un retour vers soi, Stella n’étant autre qu’une projection de la fillette qu’elle fut elle-même au crépuscule des années 70. A savoir une enfant ballottée entre deux mondes – le café populaire familial et l’école secondaire bourgeoise où la catapulte l’inscription scolaire sur liste alphabétique -, et à la recherche de sa place dans l’existence. « C’est vraiment mon histoire », observe Sylvie Verheyde, alors qu’on la retrouve dans un jardin vénitien, au soir de la première projection publique du film ( voir également notre critique en page 29). Avec, à l’écran, certains épisodes avérés, comme son arrivée en classe, un ballon de foot sous le bras, et une écharpe du RC Lens au cou – « cela ne s’invente pas », rit-elle encore de bon c£ur.
Si elle a voulu replonger dans cette partie de sa vie, cela tient à diverses raisons, l’une étant l’entrée dans le secondaire de son fils, et la mesure du chemin parcouru allant de pair. A quoi s’ajoutera l’évolution même du contexte scolaire: » On parlait beaucoup en France de la place de l’école, avec une remise en cause de la mixité, le retour envisagé de l’uniforme, une série de questions qui m’ont amenée à écrire ce film afin, en fait, de dire merci à l’école. » Une volonté renforcée par un autre constat: » De lieu de culture, l’école devient un lieu de technicité. On dénigre la culture, et on essaye d’en faire un endroit où il faut apprendre un job. Toute l’école devient professionnelle. Moi, je serais devenue serveuse à 100 %, et l’école m’a permis de faire autre chose. Pas parce que j’étais bonne élève, mais parce que j’y ai eu affaire à d’autres gens, et donc à la culture. » Une vérité toujours bonne à rappeler, dans la France de Sarkozy en particulier, » où on ne sait plus si l’école est encore un associant social. L’école, c’est une fenêtre, et c’est surtout un lieu d’existence sociale. Cela crée de la mixité sociale. Si on veut que des enfants défavorisés réussissent, cela passe par là, vraiment. »
Maturité étrange
Engagé donc, le film de Sylvie Verheyde ne vire pour autant jamais au pensum, tant il vibre à l’unisson des humeurs de Stella, qu’il télescope à la réalité environnante. En résulte le portrait sensible d’une fillette qui, au contact d’une camarade, glisse d’un cadre dont le juke-box est la porte d’évasion, vers un autre, le monde, dont la lecture serait le sésame. La cinéaste a-t-elle jamais hésité au moment de choisir son double à l’écran? » Je pensais que ce serait difficile, mais quand j’ai vu Léora Barbara, j’ai tout de suite su que c’était elle. Elle avait quelque chose de particulier, n’ayant pas l’air à sa place là où elle était. J’ai grandi dans un monde d’adultes, et j’ai aussi retrouvé en elle une espèce de maturité étrange. » Avec pour effet une Stella qui brille à l’écran d’une belle intensité. » Mais si j’avais raté un film parlant de mon enfance, il ne me restait plus qu’à partir pour le Brésil » (rires) .
Jean-François Pluijgers, à Venise.