Soweto fever

Entre groove du township et âpreté punk, les Sud-Africains de BCUC sonnent la charge! Avec, derrière la machine à danser, la contestation.

Avec eux, c’est d’abord sur scène que cela se passe. Depuis leurs premiers passages en Europe, le mot n’a en effet pas tardé à se répandre: en concert, BCUC a le don de faire parler la poudre, de transformer chacune de ses prestations en une grande orgie afrofunk. Eux-mêmes ont baptisé leur tambouille african gungungu -la « jungle africaine » en français dans le texte. Elle est sauvage, touffue, et fascinante à explorer.

BCUC est l’acronyme de Bantu Continua Uhuru Consciousness. Formé vers 2003, du côté de Soweto, le groupe envisage en effet sa musique comme une machine à danser et à… mobiliser. Pour cela, le gang avance à sept de front, misant sur le jeu collectif. Sans pour autant noyer les individualités -où les harangues de Jovi se mêlent au flow de Luja et Hloni, ou au chant de Kgomotso Mokone (seule femme du groupe).

L’idée? S’inspirer du funk le plus rêche, façon James Brown, voire de l’afrobeat le plus frondeur, à la manière de Fela. De fait, on ne peut s’empêcher de penser au maître nigérian. De par l’aspect vintage seventies de la pochette d’abord; la longueur des morceaux proposés, ensuite: comme c’était déjà le cas sur le précédent Our Truth (2016), Emakhosini (le territoire des ancêtres, dans la tradition zouloue) ne se disperse pas: les 40 minutes de l’album se répartissent en seulement trois morceaux… Brûlants, urgents, ils appellent enfin la même posture revendicatrice, dans un pays sonné par les problèmes économiques et politiques (pour dernier exemple, la démission en décembre du président Zuma, rattrapé par les soupçons de corruption).

Soweto fever

There’s a riot going on

Si BCUC a choisi de faire remonter ce qui se dit dans la rue au milieu de la piste de danse, il le fait à sa manière. Un peu à l’image de ce qu’a pu faire Konono avec les musiques congolaises, BCUC part de la tradition, piochant dans le mbaqanga ou le maskanda, pour en donner une version modernisée -imaginez Mahlathini and the Mahotella Queens frayant par exemple avec le post-punk d’ESG. Plus rugueux encore que son prédécesseur, Emakhosini débute ainsi avec les 20 minutes de Moya (« L’esprit »): la basse sombre donne le ton, les tambours et les percussions augmentant un peu plus la menace, ponctués de coups de sifflet. Sur cette base minimaliste, le morceau enchaîne accélérations et grands coups de frein, chant gospel et exhortations étranglées. Sur le morceau suivant – Insimbi (« l’acier », évoquant le travail dans les mines, qui a encore fait plus de 80 morts l’an dernier en Afrique du Sud)-, la charge se fait encore plus frontale, avant de muter à mi-parcours, laissant plus de places aux harmonies vocales, façon Ladysmith Black Mambazo. En toute fin de parcours, la brève reprise du spiritual Nobody Knows vient ponctuer un disque court, mais intense. Quelque chose comme la bande-son incendiaire d’une Afrique du Sud désenchantée, qui n’en finirait plus de sortir de l’Apartheid.

BCUC

« Emakhosini »

Distribué par Buda musique.

8

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