YouTube fête ses 20 ans: le grand seau de l’Ice Bucket Challenge (6/7)

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

YouTube fête ses 20 ans. Retour sur l’histoire d’une plateforme vidéo plus populaire que jamais, en sept moments clés. Cette semaine, le succès du «Ice Bucket Challenge». Et cette question: YouTube est-il soluble dans le charity business?

A quoi sert YouTube? Dès le départ, ses créateurs se sont posé la question, pas complètement sûrs de leur coup. Les utilisateurs se chargeront de répondre. La plateforme est parfaite pour poster des vidéos de chats, publier des films de vacances au ski («Ah bah, bravo Nils! Super pour l’appareil photo», vous l’avez?), occuper les petits (Baby Shark, vous vous souvenez?), servir de robinet à clips (y compris les plus bizarres). Mais encore? YouTube serait-il également capable de servir des causes plus grandes et plus nobles?

En 2012, l’ONG américaine Invisible Children tente le coup. Pour sensibiliser l’opinion publique aux crimes du chef de guerre ougandais Joseph Kony –dont l’enrôlement forcé d’enfants, comme soldats ou esclaves sexuels–, elle veut utiliser les outils du moment. Ceux du Net. Un an et demi plus tôt, les réseaux ont par exemple montré comment ils pouvaient contribuer à des révolutions (cf. le Printemps arabe). Au mois de mars, l’ONG publie donc la vidéo Kony 2012. En introduction, la voix off encense le pouvoir de mobilisation Web 2.0: «Aujourd’hui, il y a plus de gens sur Facebook qu’il n’y en avait sur la planète il y a 200 ans. […] Et cette connexion change la manière dont le monde tourne.»

Longue de 30 minutes, la vidéo joue à fond la carte de la personnalisation –le réalisateur et cofondateur de l’ONG, Jason Russell, y est omniprésent. Par ailleurs, Invisible Children s’est assurée à l’avance du soutien de célébrités. Quand Oprah Winfrey partage le film, les compteurs explosent. Kony 2012 devient la première vidéo à dépasser le million de likes.

A la clé, des sommes conséquentes récoltées.

Le film n’échappe cependant pas aux critiques. Il lui est notamment reproché de simplifier à outrance son récit, posant un regard (occidental) très naïf sur les événements. Certes, il a mis la lumière sur une situation encore largement sous-médiatisée. Mais pour ne provoquer qu’un engagement superficiel –une sorte de «slackeractivism», néologisme désignant cet activisme mou, se contentant d’un like frivole pour se donner bonne conscience, sans vraiment s’impliquer ni s’informer.

Dès lors, comment faire pour éviter ces écueils? Deux ans plus tard, le «Ice Bucket Challenge» trouve la parade. Ici, pas de grand discours, ni de film plus ou moins pédagogique. Pour sensibiliser à la maladie de Charcot, le défi consiste à se renverser sur la tête un seau d’eau glacée, poster la vidéo sur le Net, et taguer trois autres personnes, susceptibles de relever le même challenge. A moins que celles-ci ne préfèrent faire un don à la recherche contre la maladie neurodégénérative. Très rapidement, le gimmick se répand un peu partout, notamment grâce à une série de stars qui jouent le jeu. Dispositif fun, mise en scène égotique, effet de chaîne: la viralité est imparable. Avec, à la clé, des sommes importantes récoltées.

Le «Ice Bucket Challenge» sera d’ailleurs décliné pour d’autres causes. Au printemps dernier, sur TikTok, le défi est redevenu trendy, cette fois pour sensibiliser aux problèmes de santé mentale. Un coup de projecteur toujours utile. Même s’il ne résout pas tout? A Gaza, le challenge a eu sa propre version. Faute d’eau, les habitants se renversaient alors des seaux de gravats. C’était en 2014…

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