L’art avant-après (2/6): Marat assassiné
Durant tout l’été, l’art contemporain remixe les maîtres de la peinture.
Pour un mois encore, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique examinent les échos contemporains d’un chef-d’œuvre de l’histoire de l’art échoué à Bruxelles par le biais d’aléas humains et politiques: La Mort de Marat de Jacques-Louis David (1793). Inscrite à même l’imaginaire collectif, cette toile raconte l’assassinat de ce révolutionnaire zélé – on sait qu’en septembre 1792, Jean-Paul Marat se proposait d’assurer lui-même la tranquillité publique dans un contexte social troublé en faisant rouler pas moins de 270 000 têtes. Une telle soif de sang ne pouvait rester sans conséquence. A la manière d’un inéluctable retour de karma, le justicier jacobin rend son dernier souffle sous le coup de poignard de Charlotte Corday, qui se proposait de «tuer un homme pour en sauver cent mille». Souffrant d’une terrible maladie de la peau l’obligeant à prendre des bains au soufre, c’est dans sa baignoire sabot en cuivre, augmentée d’un écritoire, que le député montagnard trouve la mort. Qui mieux que Jan Van Imschoot (Gand, 1963), dont l’œuvre entretient une conversation soutenue avec les plus grands maîtres de la peinture, pouvait transposer ce tableau dont la facture néoclassique contribue à l’élever à l’échelle de l’histoire? Sous le pinceau du Gantois, la composition fait place à un nouveau titre: La Pénétration inédite (2018). «Charlotte Corday a eu accès aux appartements de Marat parce qu’il aimait les belles femmes, mais au lieu de donner la pénétration qu’il escomptait, c’est lui qui en a reçu une, sous la forme d’un coup de poignard», explique l’artiste. Van Imschoot explique dans le même temps que sa version de l’œuvre trouve sa source dans une scène de Caravaggio, film de Derek Jarman (1986) caractérisé par une photographie inspirée de tableaux de grands maîtres. Comment interpréter le «Face the FuckBook» inscrit sur l’écran d’ordinateur? «Il s’agit d’une analogie, voire d’une transposition. Marat faisait au temps de la révolution des listes d’opposants politiques qui les conduisaient à l’échafaud. Si Facebook avait existé du temps de Marat, nul doute qu’il s’en serait servi», conclut le peintre libertaire.
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