Fil rouge de Compostez-moi, Cléo Duponcheel est entrepreneuse en pompes funèbres. Elle y évoque ce processus qui pourrait transformer nos corps en un humus sain et fertile.
« Quand vous dites au revoir à quelqu’un et que deux heures après on vous rend un petit pot tout chaud, c’est violent, explique Cléo Duponcheel. Moi je suis toujours dans le fond de mes chaussures quand je dois rendre une urne. Parce que je me dis: je vais le faire comment? J’essaie de m’y prendre de la manière la plus douce possible. Mais ça reste un moment compliqué. » En Belgique, il n’existe pour l’instant que deux modes de sépulture: l’enterrement et la crémation. Mais les mentalités sont en train d’évoluer. Notamment mues par des considérations écologiques.
« La mort est quelque chose de tout à fait naturel et qu’on doit regarder en face, commente Pierre Luxen, ingénieur forestier. On va tous mourir, ce n’est pas un scoop. Mais l’humusation, c’est assez particulier. Parce que ce n’est pas composter des matières organiques classiques comme des déchets ménagers. C’est, disons, composter des êtres humains. »
L’humusation, c’est un processus contrôlé de transformation des corps en humus sain et fertile. L’humusation, c’est continuer à être là. Rester sur terre sous une autre forme. Contribuer à la nature et ne pas disparaître dans le néant le plus total. L’idée en somme que la dépouille humaine doit retourner au cycle du vivant. « Les gens veulent du nouveau, poursuit Cléo Duponcheel. La crémation ne les réjouit pas. Pas plus que l’idée d’être dans une boîte dans le sol. » La pétillante jeune femme entreprend des essais avec des porcs dans les Ardennes, se promène dans un cimetière d’enterrement naturel au Royaume-Uni, participe à un colloque des nouvelles sépultures à Paris et se rend même aux États-Unis où le procédé a été validé dans plusieurs États…
Nos corps bourrés de conservateurs
Premier long métrage documentaire de Gazelle Gaignaire, journaliste et réalisatrice française basée à Bruxelles et diplômée de UCLA, Compostez-moi est à la fois instructif, drôle, poétique et d’utilité publique. C’est l’histoire d’un combat militant. D’un travail de légitimation. D’une lutte pour une option funéraire écologique. Avec des questions quasi philosophiques et des considérations pratico-pratiques. Notamment sur les gens qui ont subi des traitements médicamenteux lourds comme la chimiothérapie. « J’ai déjà parlé avec des gens qui travaillent dans les pompes funèbres, ponctue Pierre Luxen. Ils me disent que la décomposition des corps prend beaucoup plus de temps qu’avant. Parce que les gens sont bourrés de conservateurs. Dans le lait, dans tout ce qu’ils mangent finalement, dans tout ce qui est sous cellophane. On en mange, on en boit, on les a en soi. »
En Belgique, les essais d’humusation naturelle ne sont pas encore concluants et le compostage humain n’est pas légal en Europe. Mais la demande va croissant. « Les gens vont être morts longtemps. Il s’agit donc d’agir correctement plutôt que rapidement. »
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