Laurent de Sutter
Beach body pop théorie (4/6): « les piqûres diverses appartiennent à la fois à la catégorie des plus communs et des plus dramatiques »
Comment se faire un corps de rêve pour l’été: les conseils à ne pas suivre des meilleurs non-spécialistes pour éviter les calamités qui menacent vos vacances.
Dans L’Année des méduses (1984) de Christopher Frank, ce ne sont pas les méduses qu’on voit le plus. Ce sont les seins irrésistibles de Valérie Kaprisky. Son personnage de Chris, insupportable adolescente qui découvre avec perversité les joies de la séduction, ne manque en effet jamais une occasion de les montrer, profitant de la licence offerte par la plage – lieu de sociabilité paradoxal où s’applique un code vestimentaire alternatif selon lequel la semi-nudité, elle aussi, devient une forme de costume. Au cours d’une scène fameuse, elle les exhibe dans une boîte de nuit, sous prétexte de faire voir la piqûre de méduse qu’elle a reçue en se baignant plus tôt dans la journée. Même si le geste suscite la réprobation de sa mère, Chris en tire une information précieuse: elle apprend que Romain, le dandy qui est le seul homme que sa beauté agressive laisse froid, est allergique aux piqûres de méduse. Comme il n’est rien de plus impardonnable, aux yeux d’une jeune fille qui se croit irrésistible, que de se voir préférer une autre femme, elle en tirera le principe de sa vengeance – une vengeance aussi vaine qu’elle. Pourtant, elle n’a pas tout à fait tort. Dans la liste des ennuis de vacances, les piqûres diverses appartiennent à la fois à la catégorie des plus communs et des plus dramatiques, puisque leurs conséquences peuvent aller de la démangeaison à la mort brutale. Le corps dénudé, laissant derrière lui toutes ses protections, s’offre, sur la plage ou dans la mer, à la dureté aveugle des éléments – une dureté que Chris et ses caprices, à leur manière, symbolisent de façon exemplaire. La «nature» est une jeune fille qui se venge. La fréquenter sans en mesurer les dangers revient à abandonner son destin à la pure chance – or, cette dernière est rarement de notre côté.
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