Un animateur de télévision brésilien cartonnait avec Canal livre, émission investiguant les crimes de façon un peu trop réaliste. Soupçonné d’avoir commandité lui-même certains meurtres pour doper l’audience, il est aujourd’hui en taule…

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Le vieil adage moralisateur retrouve un coup de jeunesse tropicale avec l’affaire qui déchaîne les passions brésiliennes autour de Wallace Souza, 51 ans, politicien et star de la téloche. Celui-ci aurait visiblement franchi la barrière séparant théoriquement la téléréalité de la réalité tout court. Depuis 1989, son show TV, numéro un dans la région de l’Amazone, déballe les affaires sinistres de crimes et de délits avec un goût prononcé pour les détails crus. La particularité de Canal livre (Canal liberté en portugais, ndlr) est que ses fins limiers reporters arrivent communément avant la police sur le lieu du crime. Ainsi, dans une émission, le  » journaliste » débarque dans une forêt et dit texto, face caméra,  » Cela sent comme un barbecue (…). C’est un homme. On sent l’odeur de la viande brûlée. On a le sentiment que cela s’est passé tôt ce matin. C’était une exécution. » Hormis la qualité moyenne du commentaire, la police se demande comment le reporter peut bien connaître l’heure du meurtre… Le passé trouble de Souza, son départ peu glorieux de la police, et la  » coïncidence » entre l’avènement des crimes et leur diffusion TV, finissent par aboutir à la levée de son immunité parlementaire. Puisqu’il est aussi membre de l’Assemblée législative d’Amazonie depuis 2000. Souza nie, bien sûr, avoir employé des tueurs pour 5 crimes qui, ensuite, ont fait l’objet de reportages dans Canal livre, forcément bien informés . Une perquisition dans sa maison révèle la présence d’un stock d’armes et de grosses sommes de cash. Son fils Raphael est alors inculpé pour homicides et trafic de drogues. Une accusation qui fait le lien au père, accusé d’être un patron de cartel de la région Amazone, liquidant ses concurrents en en faisant ensuite de jolis reportages détaillés. C’est pas beau la télévision moderne?

Confessions cathodiques

En attendant que la justice brésilienne décide si tout cela est vrai ou juste un sidérant concours de circonstances (…), on en revient à un autre vieil adage, complètement vérifiable:  » La réalité est plus forte que la fiction. » Parce que derrière les centaines de shows de téléréalité qui peuplent les canaux de la planète, tout ce déballage peu ragoûtant de désespoir, misère, imbécillité, solitude, mirages, bêtise, voyeurisme, juste là pour tenter de faire de l’audience – et ainsi augmenter la valeur des segments publicitaires -, il y a une autre série d’histoires. Celles de vie fracassées, exhibées, paralysées ou ridiculisées par la télévision. Alors quoi? La téléconfession où les largués cathodiques viendraient dire qu’ils sont tombés dans le piège inconnu et que leur vie est désormais terrible? Elle existe déjà bien sûr. Et généralement, elle est faite par les mêmes qui actionnent la téléréalité. Cela s’appelle du recyclage. Le moment où le présentateur meurtrier Wallace Souza racontera – en direct de sa prison amazonienne – sa saga criminelle sur Canal livre promet déjà d’être un hit télé monumental. Que fera la police? Ben, comme tout le monde: elle regardera.

DE PHILIPPE CORNET

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