Héritier de Caetano Veloso, Os Mutantes et Jorge Ben, le Brésilien a envoûté et ensoleillé l’Orangerie tout en douceur et subtilité. Magique.
Le paysage festivalier n’est pas particulièrement enclin au changement. Il est plutôt marqué par une tendance à ne pas toucher à ce qui marche. A ne pas changer les équipes qui gagnent. Nouvelle direction, nouvelle formule. Si Fred Marchal, arrivé il y a un peu moins de deux ans à la tête du Botanique, n’a jamais voulu casser le moule, il n’a jamais non plus caché sa volonté de le remettre en couleur. Repeins la Nuit… Cette année, l’événement phare de l’institution bruxelloise a changé de visage. Il est devenu un véritable festival.
A quelques soirées exceptionnelles près. Les Nuits Botanique, c’était jusqu’ici une accumulation et une concentration de concerts. Une ambiance assez particulière certes. Mais des tickets à la salle et à la soirée qui commençaient généralement sur le coup de 19 heures. Désormais, les Nuits ont basculé au billet unique (43,50 euros ce samedi) et opté pour le mode passe partout. Le tout avec un certain sens du panache et de l’audace. Une offre renforcée (le week-end, les concerts commencent en début d’après-midi) et une volonté claire de miser sur la découverte.
Tim Bernardes, un tropicaliste des temps modernes
Si les noms les plus ronflants (Jay-Jay Johanson et Efterklang) de l’affiche se sont produits en fin d’après-midi, c’est assurément le Brésilien Tim Bernardes qui a marqué les esprits dans la thématique folk et raffinée de ce samedi. Fils du singer songwriter Mauricio Pereira, Tim Bernardes est un tropicaliste des temps modernes. Un remarquable et brillant héritier des Caetano Veloso, Jorge Ben, Gilberto Gil, Chico Buarque et autre Os Mutantes… Ces artistes qui, dès la fin des sixties, ont adapté le psychédélisme et le courant hippie à la réalité de leur pays. Bravant le nationalisme et bousculant la musique brésilienne populaire de l’époque.
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Longs cheveux, lunettes, moustache… Tim Bernardes a un look de Beatles brésilien. Est né un 18 juin comme Paul McCartney mais a la gueule d’un John Lennon du soleil. Seul en scène, généralement à la guitare, de temps en temps au piano, le mec de Sao Paulo qui a jadis chanté en duo avec son père (Pereirinha & Pereirão) et s’est distingué au sein du trio O Terno (jusqu’à jouer au Lollapalooza et au Primavera) dont il interprète toujours des chansons a suspendu le temps pendant une heure durant. Avec ses doigts de fée et sa voix à tomber, Bernardes qui a collaboré avec les Fleet Foxes, David Byrne, Gal Costa, Devendra Banhart, BadBadNotGood ou encore Shintaro Sakamoto, veut connecter la musique sixties et seventies brésilienne à ce qui se fait dans le monde aujourd’hui. La nouvelle vague de singer songwriters indie. Subjuguée, d’un calme olympien, d’un silence quasiment religieux, l’Orangerie a succombé à ses charmes. Retenant son souffle devant tant de beauté. Ne reste plus qu’à patienter jusqu’au successeur de son deuxième album Mil Coisas Invisiveis (2022)…
Nuits Botanique: les tops et flops de samedi
Les Tops
Lael Neale
Fascinante, captivante, Lael Neale revendique l’influence des transcendantalistes, de la musique gospel américaine primitive et de cette insupportable aliénation que nous réserve la vie moderne. La sirène de Virginie a trouvé en Guy Blakeslee (Entrance) le binôme parfait. Tout en classe et discrétion, ce champion du folk cosmique et du psyché rock californien habille ses chansons d’un écrin qui lui collent parfaitement au teint. Psychédélique, minimaliste, magnétique, Lael Neale a ensorcelé le musée. Splendide.
Jawhar feat AZA
Merveilleux singer songwriter né à Tunis aujourd’hui installé dans un petit village du Hainaut occidental, Jawhar Basti a signé avec Khyoot, sorti en janvier, l’un des plus beaux albums folk de ce début d’année. Nick Drake arabe, Syd Matters du soleil… En trio, accompagné de la chanteuse Azza Mezghani et du pianiste Eric Bribosia, Jawhar a subjugué. Uniquement interrompu par des applaudissement enamourés et des cris de soutien aux Palestiniens. Une lumineuse respiration.
Clement Nourry
Il était encore tôt dans la journée mais le fondateur d’Under The Reefs Orchestra, guitariste entre autres de Nicolas Michaux et de Turner Cody, a réussi à emmener les curieux ailleurs avec sa guitare et sans un mot pendant une petite heure. Un public assis par terre qui l’a suivi dans les grands espaces, les rêves et les insomnies de son rock instrumental.
Les flops
Michelle Gurevich
Fille d’une ballerine du Kirov (aujourd’hui Théâtre Mariinsky à Saint Pétersbourg) et d’un ingénieur de Leningrad, Michelle Gurevich (aka Chinawoman) est née et a grandi à Toronto bercée par la musique soviétique et européenne des années 70. Régulièrement comparée à Leonard Cohen, Nico, Tanita Tikaram et à Alla Pougatcheva (chanteuse et actrice extrêmement populaire au pays de Poutine), elle revendique l’influence d’Adriano Celentano et Charles Aznavour, de Yoko Ono et Nino Rota, de Francis Lai et Xavier Dolan. Samedi, ses chansons pour jeunes queers et vieux romantiques a surtout fonctionné quand elle était seule en scène. Débarrassée de son groupe. Une demi-déception.
Les choix cornéliens
Lael Neale ou Jeffrey Lewis? Jeffrey Lewis ou Lael Neale? Dans la nouvelle formule des Nuits, l’Orangerie et le Musée jouent en alternance avec la scène principale en plein air. Mais du coup, en même temps. Tant pis pour le petit prince de l’antifolk new-yorkais et de la B.D. indé. Un problème de luxe…