Critique scènes : Accouchement dans la douleur
Le Poche accueille Birthday de Joe Penhall (la série Mindhunter), où un accouchement masculin cristallise une critique sociale piquante dans une ambiance vaudevillesque.
Au départ, dans cette grand chambre d’hôpital immaculée comme il se doit, on ne voit, sur le lit, que ça : un ventre énorme, d’un corps couché en raccourci, les pieds face au public. C’est clair, nous allons assister aux dernières heures d’une grossesse, arrivée à terme. Sauf qu’ici, le patient est un homme, Ed (Eno Krojanker, déjanté comme il faut). Alors que sa femme Lisa (Anabel Lopez), mère de leur premier enfant, se consacre à sa carrière et bosse comme une dingue, c’est lui qui a porté le fœtus dans son utérus artificiel. Et la date fatidique est arrivée : il va subir une césarienne. Mais, contrairement aux recommandations de sa femme, Ed va accoucher dans un hôpital public, et, dans le contexte d’un personnel hospitalier surchargé, c’est presque un duel soignés/soignants (Nancy Nkusi en sage-femme et Dominique Pattuelli en interne) qui s’engage.
En inversant les rôles entre genres dans ce huis clos qui reste encore (un peu) de la science-fiction, l’auteur anglo-australien Joe Penhall brocade bien sûr les déséquilibres de nos sociétés patriarcales. Répartition des tâches, injonctions, monopolisation de la parole et des prises de décisions, paternalisme : tout est reconnaissable mais en sens inversé, ce qui crée inévitablement l’humour. Mais Penhall ne s’arrête pas là et en profite pour aborder le déclin des soins hospitaliers publics (sujet abordé aussi plus tôt cette saison au Poche dans Iphigénie à Splott, d’un autre auteur britannique, Gary Owen), les violences obstétricales et le racisme systémique.
Sur le rythme infernal des dialogues, la metteuse en scène franco-canadienne Julie-Anne Roth orchestre une partition bien balancée, dans un mélange de réalisme et de touches décalées, un rien contrarié par un jeu emprunté lorgnant le boulevard, peu habituel au Poche. Mais malgré les discussions où personne ne se regarde pour bien faire face au public, ce Birthday reste savoureusement féroce et drôle.
Birthday : jusqu’au 25 juin au Théâtre de Poche, Bruxelles, www.poche.be
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