Avec The Floor Is Lava, Bruxelles accueille l’une des battles de breakdance les plus importantes d’Europe
C’est ce 30 novembre qu’aura lieu à Bruxelles, au C12, The Floor Is Lava. Coup de projecteur sur une compétition et une discipline, le breakdance, désormais olympique, depuis Paris.
Les voies de la passion sont impénétrables. Gautier Schneider est encore gamin quand il pique un DVD au bar-PMU du coin pour l’offrir comme cadeau d’anniversaire à sa sœur. L’œuvre –Street Dance 2– ne restera pas au panthéon du 7e art. « Mais dans les bonus du DVD, il y avait des tutos de break. J’ai flashé. » Une douzaine d’années plus tard, Gautier a quitté son Sud natal pour s’installer à Bruxelles. Devenu graphiste, il n’a pas laissé tomber le breakdance. Au contraire. Il a intégré le crew bruxellois Above The Blood et vient d’être sélectionné pour participer aux qualifications de The Floor Is Lava, « l’un des battles les plus importants d’Europe ».
La compétition aura lieu le 30 novembre prochain, au C12, à Bruxelles. À la tête de l’événement qui fête cette année ses cinq ans, on retrouve Benoît Quittelier. Il n’est pas un inconnu. En 2017, il avait déjà conçu avec Adrien Grimmeau l’exposition Yo!, à Bozar, sur l’Histoire du mouvement hip-hop dans la capitale. Un an plus tard, il profitera de l’élan pour faire venir au même endroit l’événement français Chill In The City. En 2019, avec son organisation Future Art Movement, il lance sa propre compétition, The Floor Is Lava. « Il y avait des battles en Flandre ou à Liège, mais rien de taille à Bruxelles. Ce qui pouvait paraître bizarre, étant donné que, traditionnellement, le niveau dans la capitale a toujours été le plus élevé. » Comment l’explique-t-il? « Le mouvement a eu ici un côté plus « ghetto ». Il a eu du mal à s’organiser. Souvent, dès que les danseurs arrêtaient, ils quittaient le milieu. » Un exemple parmi d’autres: Super G, alias Youssef El Toufali, éboueur quand il devient champion du monde 2002, qui s’exilera à Los Angeles pour intégrer le Cirque du Soleil.
À vrai dire, l’itinéraire n’est pas inhabituel. Après le pic de popularité des années 80, la discipline a fini par sortir lentement mais sûrement de la rue, où elle est née, pour trouver son chemin jusque dans les cercles de danse plus « classiques ». L’autre « débouché » pour les breakers restant les compétitions internationales. Surtout depuis que celles-ci sont organisées par des gros sponsors, tel Red Bull, qui fête cette année les 20 ans de sa compétition internationale BC One. Dans ce paysage, The Floor Is Lava a trouvé sa place en marquant sa différence. Ici, par exemple, pas d’écran « qui casse l’ambiance », ni de cotations ultra-détaillées qui « essaient de rationaliser ce qui tient souvent de l’irrationnel ». Mais toujours le cercle, qui « crée une énergie particulière entre les danseurs, le DJ et le public ».
Au niveau de la programmation, « on ne va pas forcément inviter les plus grosses têtes d’affiche, que l’on retrouve un peu chaque fois dans toutes les autres compétitions. Mais on va essayer d’avoir des danseurs très complets, qui combinent à la fois la technique et la créativité. Avec un mélange d’anciens encore très forts et de jeunes promesses. » Lors de sa deuxième édition, Floor Is Lava a couronné par exemple le Canadien Phil Wizard, devenu cet été le premier médaillé d’or de la discipline aux J.O. de Paris. Cette année, le jeune Japonais Issin est très attendu. « Les meilleurs breakers ne sont pas juste forts athlétiquement, ils ont vraiment une approche du sol et une qualité de mouvement spécifique, qui n’est pas juste performative ou sportive, mais quasi métaphysique. Après tout, le breaker est quelqu’un qui passe son temps à tomber au sol et se relever… »
Concrètement, The Floor Is Lava est une compétition par équipe de deux. Dix sont qualifiées d’office pour le tour final. Reste six places à prendre pour une soixantaine de binômes inscrits. Dont certains très réputés -« Quelqu’un comme le Néerlandais Menno, par exemple, a déjà gagné à trois reprises le BC One! » Le jury aussi est prestigieux, puisqu’il comptera notamment dans ses rangs le Sud-Coréen Physicx, « l’équivalent d’un Ronaldo pour le break ».
Le tour préliminaire va donc enchaîner une trentaine de battles. Avant d’embrayer avec le tableau final en soirée. Cerise sur le gâteau, le cypher: « Dans les événements de breakdance, il n’y a jamais de séparation stricte entre les artistes et les spectateurs. Déjà parce que ceux qui ne sont pas qualifiés suivent le reste de la compétition dans les rangs du public. Et puis, entre les battles se lancent souvent des cercles, dans lesquels chacun peut entrer. On aura donc un juge « secret » qui se baladera dans la foule et désignera un gagnant à la fin de la soirée. Ca peut être tout le monde! » Mais, vu le niveau, pas n’importe qui. Avis aux amateurs…
Le breakdance aux J.O.
© Koko et Maxence Dedry
Le Net est impitoyable. Après sa prestation disons « originale » aux J.O. de Paris, l’Australienne Raygun -Rachael Gunn de son vrai nom- a fait le tour de la Toile, parodiée à toutes les sauces, et depuis quelques semaines, la B-girl est aussi désormais devenue carrément un emote sur la dernière version du jeu vidéo Call of Duty… Pour sa première aux Jeux Olympiques, le break n’aura donc pas loupé son entrée, bad buzz compris. « C’est dommage, regrette Benoît Quittelier, parce que ça a un peu fait oublier tout le reste. » Comment a-t-il lui-même jugé la prestation de l’Australienne? « En réalité, Raygun n’est pas nulle. C’est juste une breakeuse « moyenne », assez lucide que pour compenser ses lacunes en misant sur le côté créatif et théâtral. Même si pour quelqu’un d’extérieur au milieu, elle a pu donner l’impression de faire n’importe quoi… »
Cette année, The Floor Is Lava comptera deux médaillés olympiques dans son tableau -la jeune Lituanienne Vicka (argent) associée à l’Américain Victor (bronze). Au départ, Benoît Quittelier n’était pas forcément convaincu par l’introduction du break aux J.O. « Parce que, pour moi, ça reste davantage un art physique que vraiment un sport. » Mais « force est de constater qu’ils ont plutôt bien fait ça, avec la scène en cercle, etc. On peut évidemment toujours critiquer le prix des billets… » Et de conclure en clin d’œil: « À ce niveau-là, le plateau qu’on présente avec The Floor Is Lava est au moins du même niveau. Mais c’est gratuit… »
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