Laurent Raphaël
2012 à point ou saignant?
L’édito de Laurent Raphaël
Les derniers grammes d’alcool dans le sang évaporés, le sapin en polystyrène redescendu à la cave, les bonnes résolutions déjà en partie piétinées (du genre: cette année, je laisse la voiture au garage pour réduire mon empreinte écologique, j’arrête les drogues dures -café, chips et eau gazeuse-, je bouge mon corps 3 fois par semaine, je m’occupe de la vaisselle, des enfants et des courses tous les jours sauf ceux en « i »…), on peut se pencher sérieusement sur ce nouveau millésime 2012 qui va, paraît-il, casser la baraque. Au sens propre. Comme la voyante de service était partie en vacances à Ibiza (enfin une de ses prédictions qui se réalisait…), on s’est rabattu sur les livres, les séries télé et les films jetés sur le rivage par la rumeur pour tenter de prévoir la couleur des sentiments à venir.
Mais tout d’abord un scoop: l’actu se moque du calendrier. Pas de barrage flottant entre le 31 décembre et le 1er janvier pour contenir la marée noire de mauvaises nouvelles accumulées l’an dernier et redémarrer sa vie comme Jason Bourne ou XIII, vierge de tout souvenir douloureux. Dimanche matin, la Grèce se réveillait le ventre toujours vide, la Syrie baignait toujours dans son sang, la dette belge menaçait toujours de nous mettre à poil, les prothèses PIP suintaient toujours dans les poitrines défiant la gravité de femmes ne sachant plus à quel… sein se vouer. Le ciel continue à nous tomber sur la tête.
Un climat festif et insouciant qui déteint sans surprise sur la toile, l’écran plat et la page. Plus ou moins allongés à la sauce historique, les (hors-d’)oeuvres artistiques du moment ont le goût amer du réel. A la carte: escalope de parano poêlée (Homeland, qui sonne la fin de la sieste pour les séries télé, et qui met en scène un agent de la CIA persuadé qu’un ex-otage d’Afghanistan s’est fait retourner comme une crêpe hallal, la nouvelle cuvée Batman du capiteux Nolan ou J. Edgar avec DiCaprio dans la peau -de vache- du patron du FBI…), poivrons farcis à la crise (Louise Wimmer, récit d’une femme au fond du trou qui tente de sauver sa dignité, un film signé Cyril Mennegun pas encore annoncé sous nos tropiques) ou fricassée de faits divers (Claustria de Régis Jauffret, roman phare de cette rentrée retraçant le calvaire de cette Autrichienne séquestrée pendant 24 ans par son père, ou Nos enfants du Belge Joachim Lafosse, librement inspiré de l’affaire Lhermitte, dont l’atterrissage est prévu vers mai).
Hormis une surprise du chef à la Intouchables (Cloclo avec Jérémie Renier? Le prochain Astérix?), on ne devrait pas rire tous les jours en 2012. Sinon à bon compte avec les films vite vus vite oubliés comme La vérité si je mens 3. Inutile d’aller chercher du réconfort dans sa famille, elle est aux soins intensifs si l’on en croit le marc de café des romanciers et des cinéastes. Et même dans le pavillon des cancéreux dans le remake de Millenium façon David Fincher, à voir bientôt, ou dans ce Plaidoyer pour l’éradication des familles, dans lequel Stéphane Legrand taille un costard punk et nihiliste à cette cellule de dégrisement.
On s’en voudrait toutefois de ne pas terminer sur une note positive pour ne pas avoir l’air pessimiste. Parions ainsi qu’une catégorie au moins de la population ne chômera pas cette année: les indignés!
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