Retour gagnant

Après dix ans d’absence, Ferri et Larcenet donnent un sixième tome au Retour à la terre et à leurs hilarants avatars de papier.

Aux Ravenelles, le trou vraiment perdu où ont choisi de vivre le dessinateur Manu Larssinet et sa copine Mariette, trou qu’on peut éventuellement rejoindre en train en passant par Morflay, Bouffay-Tédan, Malèze et Affres-sur-Râles, puis en marchant 7,5 kilomètres, parce que le train ne s’y arrête plus depuis 1972 ( » Vous avez un car Macron, mais pas avant avril« ), tout a changé, mais rien n’a changé: Larssinet ne travaille plus sur Le Retour à la terre puisque son scénariste Ferri  » travaille sur Astérix » et que ça agace un peu tout le monde; lui-même se prend beaucoup la tête sur « Plast »,  » qui n’est pas une bédé morbide!!!« ; Madame Mortemont la voisine découvre la commande vocale et les émojis sur son Samsong; le chat s’est reproduit; et même Mariette attend leur deuxième enfant, sans que Manu ne s’en rende vraiment compte, trop occupé à son grand oeuvre, pas morbide du tout, qu’est  » Plast » –  » Mais comment tu écris zoophile nécrophage?« . Bref, trois ans ont passé (pour dix dans la vraie vie), mais les fondamentaux, eux, n’ont heureusement pas bougé: Ferri et Larcenet s’amusent toujours comme des petits fous avec cette série de strips qui les met presque en scène, et d’une drôlerie sans nom.

Retour gagnant

Tendre et mordant

Mariette l’expliquait elle-même dès le tome 2 de cette série d’humour née en 2002 et qui fut pour beaucoup dans l’ADN de la mythique collection Poisson Pilote: « Le Retour à la terre, c’est simple! C’est Manu vu par Ferri mais dessiné par Manu sauf que quand Manu dessine, Manu change de style pour pas qu’on voie qu’il dessine comme lui…« . Et si depuis, le vrai Manu est enfin arrivé au bout de son Blast, mais qu’il a quand même beaucoup de mal à changer totalement de style -l’incroyable maestria de son trait de plus en plus fin explose dans bien des cases- ce retour au Retour et au registre de l’humour et du format court (dont l’addition forme un seul et long récit) va d’évidence rafler la mise qu’il mérite, tant critique que publique: on y renoue à la fois avec un dessin immédiatement drôle (les trognes sont parfaites, et les clins d’oeil aux clins d’oeil omniprésents, telles ces figurines gauloises qui traînent dans le bureau de Ferri) et avec un scénario toujours aussi tendre et mordant. Sans doute plus lâché qu’il ne l’est sur le paquebot Astérix, Ferri confirme avec ce tome 6 pleinement réussi qu’il est l’un des scénaristes les plus drôles de sa génération, en plus d’être un maître dans ce type de narration en demi-page -quand elle est bien maniée, l’une des plus efficaces pour l’humour en bande dessinée.

Le Retour à la terre – T. 6: Les Métamorphoses

De Manu Larcenet et Jean-Yves Ferri, éditions Dargaud. 48 pages.

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