S’IL N’EXISTE PAS DE POP ART BELGE À PROPREMENT PARLER, CE COURANT VENU DES ÉTATS-UNIS A MIS LE FEU AUX POUDRES DE PLUSIEURS CARRIÈRES ARTISTIQUES.
Pop Art in Belgium!
ING ART CENTER, 6 PLACE ROYALE, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 14/02.
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Vous ne pouvez plus voir le pop art en peinture? Franchement, on peut comprendre. Trop souvent racoleuses, les expositions consacrées à ce courant artistique font figure de tarte à la crème esthétique, entre soupes warholiennes indigestes et merchandising à pois signé Lichtenstein. Programmé à l’ING Art Center jusqu’à la mi-février, Pop Art in Belgium! évite cet écueil. Pourquoi? Parce que le propos est inédit et qu’il est cautionné par tout le sérieux du curateur Carl Jacobs, chercheur de référence sur le sujet. Quel propos? L’événement se penche pour la première fois sur la période durant laquelle le pop art pénètre sous nos latitudes pour y stimuler et y embraser la création artistique. « Une pop-romance courte et intense« , résume la cocuratrice Patricia De Peuter, pour qualifier ce temps fort qui s’est égrené entre 1963 et 1970. Cette histoire pas banale se noue en 1963, lorsqu’Ileana Sonnabend ouvre sa galerie éponyme à Paris. Dans ses valises, toute l’écurie de son ex-mari Leo Castelli, à savoir Lichtenstein, Warhol, Jasper Johns… Son ambition est de faire déferler cette nouvelle vague américaine en Europe pour en asseoir la légitimité. C’est bien vu, car à l’époque, Paris est un épicentre où de nombreux collectionneurs belges se rendent pour prendre le pouls du marché. Des esprits éclairés tels que ceux d’Hubert Peeters, Roger Mathijs, Pierre Janlet ou du baron Léon Lambert, prennent d’emblée la mesure de la rupture proposée par le pop art. A travers leurs contacts avec les artistes belges, ils contribueront à établir le mouvement dans notre pays.
Pop au feu
Panamarenko, Marcel Broodthaers, Jef Geys, Roger Raveel… Autant de signatures qui ont trempé leur inspiration dans l’encre pop, même si cela s’est fait de façon très hétérogène. « Pour Panamarenko et Broodthaers, le pop art a servi de détonateur, ce nouveau langage visuel leur a permis de défricher un champ de possibles jusqu’alors inédit« , précise Patricia De Peuter. L’exposition montre ces convergences et divergences avec une acuité toute particulière. On découvre à quel point les lignes de force de cette esthétique -telles que la production mécanique des biens de consommation, le fameux « from direct life » ou la présence obsédante de la publicité- ont été ingurgitées et digérées par les Belges. Ainsi à l’étal abondant et viandeux de Claes Oldenburg répond le famélique sac de riz de Marcel Broodthaers. Les coeurs emmêlés d’un Jim Dine renvoient vers les énigmatiques utérus de Jef Geys. L’érotisme larvé à l’oeuvre chez Tom Wesselman se retrouve dans les portraits lascifs d’Evelyne Axelle -sans doute la plus pop art de nos artistes. Ces échos traversent les six thématiques (érotisme, célébrité, paysages…) et les deux niveaux de l’événement.
Le tout avec énormément de cohérence, ne serait-ce que dans les choix des oeuvres exposées qui, en plus d’avoir été peu montrées au grand public, sont tirées de collections privées belges. Ceci à l’exception du très prenant The Kiss (Bela Lugosi) de Warhol, épatante et monumentale sérigraphie de 1963.
MICHEL VERLINDEN
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