Prends ma main Donald

Dans Pop et Kok (2012), Julien Péluchon faisait se promener en une Normandie post-apocalyptique un duo d’idiots naïfs confrontés à un monde en lambeaux, soucieux d’atteindre un niveau d’épanouissement personnel susceptible de les faire accéder à la secte des aurivergistes -soit les adorateurs de la Verge Dorée. Dans Kendokei (2015), il faisait naître le personnage de Donald Leblond, délirant schizoïde madrilène, enseignant à son disciple Deshi la voie du samouraï tout en combattant la nuit les injustices sous le costume du super-héros Scarabée. Comme en une fusion de ces deux romans, Prends ma main Donald remet en scène ce duo maître/disciple pas mal cinglé, installé en Normandie et désormais converti au lagartisme, une secte/religion située entre intégrisme chrétien et complotisme reptilien: basée sur le Testament des habitants de l’Enfer, un texte écrit au XVIe siècle par le mystérieux abbé de Lagarte, cette croyance professe entre autres fadaises que la Terre est plate et que ses entrailles hébergent les infâmes Troodons, survivants des dinosaures capables de prendre possession de l’esprit des humains les plus immoraux. L’occasion, dans un roman structuré avec panache, de suivre les pérégrinations délirantes des personnages entre réel et hallucinations, et surtout, pour l’auteur, de cogner à coups redoublés sur l’ensemble des croyances et débordements illuminés d’une époque où la Vérité se compose à la carte et la moindre intuition prend immédiatement consistance d’airain à l’attention de gogos plus ou moins dangereux. Démiurge complaisant à l’égard de son Donald, Péluchon se gausse en fanfare rabelaisienne des naïfs et des tartufes, pour un résultat aussi pétaradant qu’inspiré.

de Julien Péluchon, ÉDITIONS Seuil, 270 pages.

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