Porte d’entrée

Acid Arab © getty images

Acid Arab, qui vient de sortir son troisième album, marie depuis dix ans l’électronique aux musiques orientales et arabes.

Que représente le raï à vos yeux?

Guido Minisky: Le raï, en France, a été la porte d’entrée vers les musiques du monde arabe. Tout le monde a pu l’entendre, le découvrir à la radio, à la télé. Jusque-là, on ne connaissait rien de ces musiques. On ne connaissait même pas leur nom. Le chaâbi, personne n’avait entendu parler de ça. À part les spécialistes et les fans. On ne pouvait pas tomber dessus par hasard. Je ne sais pas quand j’entends du raï pour la première fois. Ça doit être dans un taxi ou dans les quartiers nord de Paris. Je traînais avec un pote qui habitait au cœur de la Goutte-d’Or, dans le XVIIIe. Tu avais les vendeurs de cassettes et il y avait déjà Radio Beur, mais c’était exotique. On tombait dessus par hasard. On ne s’y arrêtait pas. Dans les années 80, c’était quelque chose de communautaire. On ne se sentait pas concernés.

Hervé Carvalho: Mes premiers souvenirs, c’est quand le raï devient un peu plus commercial et arrive en France. C’est 1, 2, 3 Soleil quand je suis ado. Je me suis rendu compte plus tard que c’était un arbre qui cachait une immense forêt.

Comment expliquez-vous son succès à l’international?

G.M.: La décennie des années 80 a, selon moi, été profondément marquée par l’irruption de SOS Racisme et la découverte, dans le même temps, de ce qu’était vraiment le racisme. Ce n’était pas jute l’esclavagisme. Les vilains Américains qui exploitaient des Noirs des décennies auparavant à l’autre bout du monde. Là, on se prenait dans la gueule ce qu’était le racisme en France. Et on réalisait qu’on vivait dans une société raciste. Qu’on était nous-mêmes racistes. Ça a pris du temps à déconstruire. Du coup, quand Khaled arrive, on est toute une jeune génération à se dire: ouais, c’est ok, c’est parfait, c’est plus que validé. C’était dans l’air du temps sans compter que la musique était mortelle.

Elle est surtout appréciée pour son côté festif?

G.M.: Au début, clairement. Pas besoin de parler arabe pour chanter le refrain de Didi. Mais le raï est vite devenu politique. Parce qu’un des autres premiers morceaux qu’on découvre, même si techniquement ce n’est pas du raï, c’est Rachid Taha et Carte de séjour qui revisitent Douce France… Direct, ça prend une connotation à laquelle on n’avait jamais pensé avant. Ça fait partie des choses qui ont permis de déconstruire, de changer le regard.

Recourez-vous beaucoup au raï avec Acid Arab?

H.C.: C’est via notre travail avec Kensi (Bourras) qui a toujours baigné là-dedans. C’est sa culture. Travailler avec lui, c’est travailler avec le raï. Notre album Jdid est plus imprégné, mais pas que de raï finalement. C’est plus de musique algérienne au sens large.

Qu’est-ce qui l’a étouffé?

G.M.: Il y a eu deux grands drames dans la vie du raï en Occident. Le 11-Septembre et avant ça Aïcha, Goldman, qui prend le raï en main. Dès que la musique a eu du succès, que Khaled a été estampillé artiste Barclay, qu’on a décidé de le polir, de le rendre accessible aux Français, on l’a tué.

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