Poelvoorde de retour en force pour le cinquième Intime festival

© Marianne Grimont
Ysaline Parisis
Ysaline Parisis Journaliste livres

La joyeuse équipe de Benoît Poelvoorde lève le voile sur le menu de la cinquième édition de son festival littéraire namurois. De haute tenue, comme chaque année.

« Après nous avoir par exemple laissé la main sur la dernière édition, Benoît s’est à nouveau beaucoup investi cette année. » Programmatrice de l’Intime festival, Chloé Colpé confirme un retour en force de Benoit Poelvoorde au Théâtre de Namur. Il y a cinq ans, l’acteur avait créé la surprise en s’improvisant commissaire d’un festival de littérature. Poelvoorde, directeur d’un événement littéraire? Ce n’était pourtant pas une blague: sélection irréprochable d’oeuvres (la première édition de l’Intime avait tout de suite donné le ton, qui s’était ouverte sur une lecture du Dernier stade de la soif, de l’excellent Américain Frederick Exley), invitations d’écrivains et acteurs solides, dispositif sobre véritablement au service des textes: Monsieur Manatane, qui profitait de la conférence de presse inaugurale pour avouer, bouleversant, à quel point la lecture avait à plusieurs reprises sauvé son tempérament fragile, y faisait montre d’une audace et d’une intention pour le coup tout sauf burlesques -une conviction intime, en somme. L’autre surprise, c’est que le public avait été directement au rendez-vous: au théâtre de Namur, dès la première année, les salles avaient été combles. L’excellente réputation du festival aidant, elles ont tout sauf désempli depuis. Plus ou moins impliqué ensuite au fil des éditions et de son agenda de ministre, Poelvoorde remonte donc en selle pour ce cinquième volet, à venir du 25 au 27 août prochains. Globalement, la formule qui a fait ses preuves ne change pas: le temps de trois soirées et deux jours, on verra se succéder écrivains et comédiens sur les scènes du théâtre.

Mettre en voix des grands textes, faire monter la littérature sur scène, l’Intime en a paradoxalement fait sa spécialité. La cinquième édition s’ouvrira par exemple sur l’Amérique et une lecture du premier recueil de nouvelles de Robin MacArthur, Le Coeur sauvage. Bûcherons, vieux hippies ou adolescents rebelles, les personnages à fleur de civilisation de l’Américaine du Vermont seront tour à tour incarnés par Céline Sallette (actrice pour Bertrand Bonello, Garrel, Costa-Gavras, etc). Le lendemain, Le Choeur des femmes du médecin-écrivain expatrié à Montréal Martin Winckler sera interprété par Mélanie « Clara Sheller » Doutey, là où Marianne Denicourt (César du meilleur second rôle dans Hippocrate) et Dirk Roofthooft (acteur chez Ian Fabre, Wim Vandekeybus) s’empareront des magnifiques amants contrariés du roman Sur la plage du Chesil de Ian McEwan. Citons aussi les séances consacrées à l’excellent Mon chien stupide de John Fante, ou le toujours stupéfiant L’Étranger d’Albert Camus.

Simon Johannin
Simon Johannin© Capucine Spineux

L’autre volet du festival est bien évidemment occupé par les lectures et entretiens avec les écrivains présents. Outre les Martin Winckler et Robin MacArthur déjà cités, le festival invitera cet été les primo-romanciers Négar Djavadi (Désorientale, Prix Première 2017) et Simon Johannin (le puissant L’été des charognes, salué dans nos pages), mais aussi les talents plus confirmés Jérôme Ferrari et Olivier Rohe, qui viendront parler de leur collaboration autour de À fendre le coeur le plus dur, réflexion sur les images de guerre (en l’occurrence celles du conflit italo-turc de 1911) ou Alain Blottière pour Comment Baptiste est mort, récit glaçant d’un post-enlèvement d’un jeune garçon par un groupe de djihadistes.

Quand on parle de l’intime, la société n’est jamais loin. Cette année, le festival comportera un volet plus explicitement politique inédit, qui s’interrogera: « des confessions médiatiques aux mises en scène de soi des hommes politiques, la frontière entre les sphères publiques et privées semble être constamment brouillée quelle est alors la place de l’intime dans nos démocraties modernes? » L’un des débats aura par exemple pour point de départ le livre explosif de Gérard Davet et Fabrice Lhomme Un président ne devrait pas dire ça, et les albums de Mathieu Sapin Campagne présidentielle et Le Château, tous trois présents à Namur fin août. Il y aura aussi cette carte blanche donnée à l’économiste et écrivain africain Felwine Sarr. Dans Afrotopia, l’intellectuel proposait récemment d’en finir avec l’injonction du « développement » héritée du colonialisme occidental.

Enfin, pour composer un équilibre avec cette dimension plus « engagée », Poelvoorde et son équipe ont fait appel à quelques trublions pour un chapitre plus potache qui va bien au festival, avec des cartes blanches données à l’inénarrable et folklorique Philippe Katerine le temps d’une intrigante « conférence musicale », ainsi qu’à Nicolas et Bruno, réalisateurs des sketches cultes Message à caractère informatif. Ce à quoi on ajoutera un indispensable rendez-vous graphique, servi par les excellents Bastien Vivès (Polina, Lastman), auteur, dernièrement, avec Une soeur, d’un teen novel délicatement érotique, par Mathieu Sapin déjà cité, mais aussi par le Français Vincent Sardon, mieux connu sous le nom de Tampographe Sardon, à la tête d’un projet graphique super inventif « dans le domaine des arts et des sciences tampographiques ». Des images aux mots, du silence au tapage, de l’universel au privé: l’intime, à Namur, on n’a pas fini d’en parler. En toute convivialité.

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