Les consoles de salon se sont définitivement mariées au Web. le gameplay des jeux mainstream est remodelé et les développeurs indépendants ont droit de cité. mais attention à la vie privée.

Enfiler un casque de réalité virtuelle pour déambuler dans des décors 3D mal dégrossis en bougeant bras et pieds: le futur des jeux vidéo tel qu’il était vu au milieu des années 90 paraît bien exotique et désuet. Aujourd’hui, les habitudes des gamers de salon sont chamboulées par la connexion croissante des consoles au Net. Une lame de fond plus révolutionnaire qu’elle ne le fut pour la musique.

La génération Clap Your Hands Say Yeah – Arcade Fire – Arctic Monkeys en témoi-gne: il y a eu un avant et un après MySpace-iTunes pour l’industrie du disque. Il y aura également un avant et un après Steam pour les déve-loppeurs de jeux vidéo. Première du genre, cette boutique de vente de jeux en ligne sur PC supprime les intermédiaires. Tout bénéfice pour des talents comme Mark Healey ( Riff: Everyday Shooter) et Dylan Fitterer ( Audiosurf) qui appartiennent déjà à cette seconde génération de créateurs indépendants, qui se sont fait connaître en dehors des magasins spécialisés.

Avec leur Xbox Live Arcade, PlayStation Store et Wii Ware, Microsoft, Sony et Nintendo n’ont pas tardé à reproduire le modèle Steam sur consoles. De quoi ouvrir l’ indie gaming au format grand public. Avec ces nouveaux canaux de distribution dématérialisés, devenir une star du bidouillage vidéoludique au sein d’une équipe réduite redevient envisageable, comme dans les eighties. Inimaginable sur DVD traditionnel, la viabilité commerciale de ces jeux low cost ( Braid, Flow, The Last Guy…) – esthétiquement et ludiquement imparables – est à présent une réalité. Leur prix – jusqu’à dix fois moins cher qu’un blockbuster traditionnel en magasin (de 7 à 15 euros contre 75 euros) – leur donne un argument de poids supplémentaire.

Surfant sur la vague retro gaming, une foule d’éditeurs (Capcom, Sega et Nintendo en tête) proposent d’acheter des centaines de productions oldschool, en version originale. Histoire d’éduquer le fiston à coups de Street Fighter, Sonic ou Mario version 2D. Mais le procédé relève de la mentalité d’épicier: les émulateurs PC et consoles permettent d’arriver au même résultat sans ouvrir le portefeuille. Légal à condition de posséder la copie originale du jeu. Parallèlement à cette tendance nostalgique proposant également des remakes discutables d’anciens mythes ( Pac Man, Galaga…), les add on (niveaux, véhicules supplémentaires…) payants et patchs correctifs pour jeux vidéo contemporains se téléchargent par centaines sur les disques durs des consoles.

Des concepts sortis de la mémoire des gamers refont même surface. Le phénomène demoscene (1) florissant les années 80-90 émerge à nouveau. Le collectif Plastic vient ainsi de lâcher son Linger in Shadows sur le PlayStation Network. Une animation psyché au thème industriel et animal éblouissant. Contemplation toujours: regarder YouTube via la PS3 sur son téléviseur LCD devient une occupation en soirée. Au-delà de ces initiatives éparses, l’avènement des consoles sur le Net amène les éditeurs ayant pignon sur rue à revoir leur gimmicks créatifs. Les mécaniques de jeux vidéo se renouvellent ainsi durablement.

Casual ou hardcore, rares sont les titres oubliant l’option multijoueurs en ligne. Les serveurs ne sont pas toujours bien achalandés, mais à l’image des imminents blockbusters Resis-tance 2 ou Gear of Wars 2, les développeurs mettent l’emphase sur le mode multi-joueur online. Comme le do it yourself de Little Big Planet ou Spore (2) en témoigne, un nouveau gameplay de jeu vidéo 2.0 communautaire apparaît. On ne joue plus pour terminer un niveau mais pour en créer un (ou des éléments de décor) de A à Z. Et ensuite le partager sur le Net. Sur PS3, SingStar offre des fonctions YouTube tandis que les Quizz de Buzz (1) peuvent être créés et échangés par les utilisateurs. Home, le très attendu Second Life (3) de la PS3, en rajoute encore une couche.

Conscient que le Net envahit nos salons par le biais des Xbox 360, PS3 et Wii, les annonceurs sont bien sûr à l’affût. L’In Game Advertising, procédé permettant de placer des en-carts ciblés, temporaires et dynamiques dans des jeux 3D en fonction des habitudes (jeu, surf, musique…), fait une sortie remarquable ce mois-ci. Barack Obama se lance ainsi en campagne sur les murs de la ville de Burn Out Paradise (Electronic Arts). De quoi susciter bien des interrogations sur la gestion des données privées des joueurs. Théoriquement, les éditeurs et constructeurs peuvent de fait détecter tout utilisateur de copies pirates. Lors du dernier Playstation Day, Kaz Hirai, président de SCE avait beau marteler qu’il ne franchirait pas le Rubicon: sur PC, les renseignements américains – en accord avec le Congrès – peuvent, depuis février dernier, épier les comportements des joueurs de World Of Warcraft pour y repérer des extrémistes violents. Combien de temps les consoles resteront-elles encore à l’abri des regards indiscrets?

(1) Des petites animations numériques, « signatures » que des pirates installaient en intro de jeux commerciaux crackés et qui se sont par la suite désolidarisées de cette fonction de tag pour devenir autonomes. Créés par des équipes complètes de graphistes et musiciens, ces films de synthèse poussaient les capacités graphiques et sonores des micro-ordinateurs (C64, Amiga…) dans leurs derniers retranchements. Un phénomène culturel spontané proche parfois de l’£uvre d’art interactive.

Texte Michi-Hiro Tamaï

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