De Siri Hustvedt, Éditions Actes Sud, traduit de l’anglais (états-Unis), 266 pages.

Tant de lectures, autant d’introspection, tant d’observations fines ne pouvaient que déboucher sur un recueil d’essais dont les thèmes fondateurs sont le discours vrai et la polysémie.

Siri Hustvedt nous y livre ses étonnements face à la complexité d’exprimer nos émotions. De 1995 à 2004, elle s’oblige à un questionnement méthodique: vous êtes-vous déjà posé la question de savoir quelle est cette réalité située entre l’ici et le là-bas, ce no man’s land où le lecteur peut re-créer le livre qu’il lit en suppléant les blancs? L’érotisme qui sous-tend de nombreux récits et donne son titre au recueil invite le lecteur à explorer la réification du corps et à se pencher sur le déclencheur culturel de l’érotisme ou encore l’incertitude liée à la séduction. Ses analyses originales, soumises au filtre de la psychanalyse, de la sociologie ou de la philosophie, abordent aussi bien Gatsby le Magnifique que l’£uvre de Henry James ou Dickens. D’où vient la magie du roman de Fitzgerald? Quel est l’écart entre ce que nous ressentons et ce que nous disons? Quelle est cette capacité qu’a l’auteur de David Copperfield de devenir « pluriel » au point de phagocyter ses personnages? Siri Hustvedt nous pousse dans l’analyse de nos dernières obsessions: apologie du corset féminin synonyme « d’étreinte érotique » contre des féministes frustrées; glissement de la féminitude vers une masculinité troublante quand l’auteur travaille un personnage mâle; conseils pour appréhender New York sans problème, « faire comme si de rien n’était » ou encore la prise de conscience, un an après les attentats du 11 septembre, que la Grosse Pomme est un creuset d’identités multiples et que, dès lors, c’est le monde entier qui a été atteint. Elle termine ses essais en rendant hommage à la pédagogie parentale qui lui a permis, malgré l’influence du puritanisme propre au Minnesota, de dompter les morceaux épars de sa personnalité pour en faire  » cette créature discordante, spasmodique et palpitante qui ne trouve pas sans effort le calme, la paix et le repos. »

 » Ecrire est une maladie« , lui a diagnostiqué son Paul Auster de mari; on aimerait être le patient du lit d’à côté pour être contaminé.

M.-D.R.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content