The Talos Principle, gaming philosophe
Fils spirituel de l’incroyable Portal, The Talos Principle croit fermement que le gaming définit l’humanité. Explications et rencontre avec les deux auteurs de son scénario transhumaniste et philosophique.
L’intelligence artificielle serait-elle notre planche de salut si l’humanité disparaissait? Obsédé par cette question, The Talos Principle jette le gamer dans des labyrinthes tapissés d’énigmes et sème le doute dans son esprit. « Talos était un homme de bronze, une sorte de robot issu de la mythologie grecque. On a développé un courant philosophique imaginaire en partant de là, une réflexion entre intelligence artificielle et humanité », détaille Tom Jubert, co-scénariste du jeu qui a déjà posé sa plume sur Faster Than Light. Proche du Portal de Valve, le monde ouvert -mais terriblement vide- de Croteam (Serious Sam) réveille le joueur au son d’une voix paternelle dès les premières minutes de jeu. « Tu es mon enfant, né pour vivre à mes côtés. »
Loin d’un Adam et encore moins d’une Eve, le gamer se glisse sous la peau métallique d’un androïde en quête d’identité. Le titre vu à la première personne est a priori très zen. Mais les circuits électriques géants qu’il demande d’assembler ne ménagent pas les méninges. Entouré d’une série d’outils entre cristaux réflecteurs, cubes et autres ventilateurs, le puzzle game philosophique a en outre le bon goût d’avancer entre mythologie et science-fiction pour aborder la question du transhumanisme. Bras artificiels, implants neuronaux, lentille de contact détectant le glucose dans le sang…: d’aucuns pensent que le phénomène a démarré aujourd’hui. Des accessoires robotiques transformeraient donc déjà le corps humain en machine. Les intelligences artificielles devenant de plus en plus performantes, The Talos Principle réfléchit toutefois en sens inverse.
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« Nous sommes déjà façonnés par des machines car elles ont accompagné notre évolution. On a de tout temps travaillé avec des outils en mains, même primitifs. N’en déplaise à certains mouvements politiques et philosophiques, l’homme n’est pas dissociable de la technologie », insiste Jonas Kyratzes. Philosophe sans être rasoir, The Talos Principle et ses 120 salles et terrains dont il faut s’échapper demandent d’activer des interrupteurs, de neutraliser des tourelles mortelles et d’échapper à des drones, le tout en s’aidant d’un nombre très limité d’outils, a priori insuffisants.
Cette carence perpétuelle d’accessoires sert en tout cas de prétexte parfait au jeu qui se demande en filigrane si la nature de l’homme ne réside pas dans sa curiosité intrinsèque. Celle-là même qui pousse à résoudre des énigmes pour vivre manette en mains l’épiphanie suivant chaque problème solutionné de Talos. « Puzzle game et réflexion philosophique entretiennent un lien étroit. Ouvrir trois portes successives avec seulement deux brouilleurs (des sortes de clefs, NDLR) paraît impossible dans Talos. Pourtant, en y allant à tâtons, on finit par y arriver, poursuit Tom Jubert. Résoudre un problème philosophique n’est pas très différent. »
Pathos Principle
S’étoffant progressivement jusqu’à offrir des combinaisons vertigineuses, l’arsenal d’outils de The Talos Principle hisse lesdits brouilleurs au rang de pièce maîtresse de ses ressorts ludiques. Ces trépieds que l’on transporte à bout de bras -comme un géomètre à la recherche du spot parfait- envoient ainsi un rayon gardant une porte ouverte (à distance). Multi-fonctions, ils neutralisent aussi des sulfateuses automatiques et des drones mortels patrouillant dans les allées du FPS, comme des fantômes de Pac-Man. A noter que ces derniers devront aussi être immobilisés pour couper certains rayons électriques bloquant la progression du gamer.
Difficilement explicables sur papier, les énigmes alambiquées de la Croteam jonglent adroitement avec les items en place. Cubes, ventilateurs, réflecteurs de rayon et autres enregistreurs dédoublant son personnage forcent le respect. Promettant un terrible secret enfermé dans une tour interdite, The Talos Principle a aussi le chic de jouer avec l’espace-temps. Facilement d’abord, puisqu’il demande de désynchroniser les déplacements de deux drones patrouillant dans un couloir pour mieux les éviter. Mais aussi avec plus de panache. Le joueur pourra ainsi enregistrer ses faits et gestes pour ensuite les rediffuser via un hologramme superposé à son environnement immédiat. Qui n’a jamais rêvé d’être aidé d’un double de soi-même?
Parfois tapissé de faux indices vicieux, The Talos Principle offre une sorte de pièce de Tetris au bout de chacune de ses salles. Un artefact qui, assemblé -sans grande passion- avec d’autres semblables, ouvre un niveau ou débloque un nouvel outil. « Prendre une idée, la faire bouger dans plusieurs sens, la placer à divers endroits avec d’autres pour remplir un espace: les blocs de Tetris dans Talos s’agencent comme les éléments d’un raisonnement philosophique, précise Jonas Kyratzes. C’est une vision mathématique de la manière dont on peut changer le monde ou soi-même. »
Coiffé d’un background solide écrit à deux mains, The Talos Principle n’emboîte malheureusement pas son formidable contexte et son gameplay avec le talent incroyable du premier Portal. Road to Gehenna, la longue extension livrée avec la version PS4 de The Talos Principle, n’y change rien. Ses paysages gréco-romains, égyptiens et médiévaux manquent ainsi de personnalité. Et malgré des phases de dialogues en textes DOS où l’on essaye de convaincre le Milton Library Assistant qu’on est humain, on zappe vite certaines citations grecques trop bavardes. D’autant que la traduction française des textes est catastrophique, gorgée de fautes de syntaxe. Une localisation réalisée par des robots traducteurs?
THE TALOS PRINCIPLE: DELUXE EDITION. FPS/PUZZLE GAME ÉDITÉ PAR DEVOLVER ET DÉVELOPPÉ PAR CROTEAM, ÂGE 7+, DISPONIBLE SUR MAC, PC ET PLAYSTATION 4 (VERSION XBOX ONE PRÉVUE). ***
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