Sur Insta (7/8): Ariane Yadan, le goût de la pudeur
Pas question dans cette série de ne mentionner que les poids lourds d’Instagram, les machines à like qui fabriquent ce que demande le peuple -une voie rapide vers un nouvel esclavage. Il nous revient aussi d’en explorer les émergences, les jeunes pousses, les promesses non tenues. Ceux qui sondent les potentiels ignorés de ce réseau social, voire en retournent les logiques algorithmées. Il nous semble qu’Ariane Yadan (Paris, 1987) en fait partie, elle qui excelle au petit jeu du détournement. Plasticienne installée à Nantes, cette jeune femme qui désamorce est aussi à l’aise avec la sculpture que l’installation ou la photographie. Ses statistiques plaident pour une lecture « méta » de son compte: seulement 743 abonnés et pas plus de 315 publications (alors que ses premiers pas numériques remontent à juillet 2017). On savoure cet usage parcimonieux et non happé par les mécanismes du spectacle. Ce goût de la pudeur s’exprime tout particulièrement à travers sa propension à réintroduire un support éculé -le polaroïd- au coeur de la machine à lisser. On aime aussi son goût pour la peau, organe que l’on sait profond depuis Paul Valéry et Gilles Deleuze. La série Mantras en témoigne. Élaborée lors du confinement, il s’agit de » phrases, répétées entre amis, amoureux et famille » qui sont remises en contexte à travers » la thématique du tatouage« . À l’instar de ce » loin des yeux, près du coeur » n’ayant pas son pareil pour faire resurgir l’espoir en des temps de distanciation sociale imposée. Marquants également sont les flamboyants autoportraits en voiture de l’intéressée. Travaillés dans le rouge, ils font planer une menace qui affleure à plusieurs endroits de son oeuvre, qu’il s’agisse d’une guillotine miniature menaçant une couche rabotée ou d’une machette trompe-l’oeil dont les contours épousent le visage. Enfin, mention pour la présence de publications personnelles qui, en saupoudrant de l’intime, évitent la pesante posture de l’artiste.
Chaque semaine de l’été, Focus présente un artiste visuel qui utilise Instagram comme un véritable terrain de jeu.
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