« Summoners War: Chronicles », le jeu qui pourrait revigorer le MMORPG
Leurs titres historiques étant en perte de vitesse depuis dix ans, les MMORPG n’en influencent pas moins le nouveau Summoners War: Chronicles. Décryptage avec un spécialiste du genre.
D’une centaine de mariages In Real Life à des travailleurs clandestins y récoltant des ressources à la chaîne, World of Warcraft (WOW) squattait la une des médias il y a dix ans. Le hit de Blizzard qui rassemblait alors 7,7 millions de joueurs en ligne -parfois juste pour socialiser- avait mis un sérieux coup de projecteur sur les jeux massivement multijoueur (MMORPG). Aujourd’hui, le genre n’est pas mort, mais les audiences de titres majeurs comme Guild Wars 2, RuneScape, TheElder Scrolls Online ou Tera s’étiolent ces dernières années. Pionnier de l’eSport mobile, la franchise des Summoners War mise pourtant sur le MMORPG pour se renouveler avec Chronicles. Le tout au fil d’une formule bien différente de l’image que l’on s’en fait.
La lassitude des gamers et une perte du sentiment de découverte in game expliqueraient la baisse de popularité des MMORPG cette dernière décennie, comme l’expliquait un article d’Adrien Laurent sur Gamedeveloper.com. Ce phénomène se doublerait d’une importance accrue de la progression de la puissance de son avatar, qui devance ainsi le plaisir de la découverte en groupe. Et par conséquent, la nécessité de coordination et la dimension sociale qui en découle. “Cette importance de la sociabilité m’a frappé lorsque j’ai écrit mon livre sur WOW il y a plus de dix ans, souligne Olivier Servais, anthropologue à l’UCL et auteur de Dans la peau des gamers: Anthropologie d’une guilde de World of Warcraft.Au final, de nombreux joueurs se connaissant dans le jeu s’y connectaient d’abord pour discuter.”
Des MOBA (jeux multijoueurs en arène virtuelle) comme League of Legends aux battle royale comme PUBG et Fortnite, la popularisation d’autres formes de jeux en ligne, offrant des expériences ludiques et de sociabilité plus larges, explique également la désaffection de la formule MMO. Sans oublier l’arrivée de jeux communautaires générationnels, comme Minecraft. Autant d’exemples qui intègrent en outre l’idée d’espaces de socialisation, voir de métavers, notamment via les concerts de Travis Scott et d’Ariana Grande sur Fortnite.
À la recherche de la nouvelle star
“Je ne parlerais toutefois pas de crise du MMO car il y en a tellement sur le marché que quand on les cumule, on se rend compte qu’une part importante de la population y joue encore”, poursuit Olivier Servais. Et le doyen de la Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication de l’UCL de préciser qu’“on peut raisonnablement penser que le nombre de joueurs de MMORPG en 2023 est plus élevé qu’il ne l’était il y a dix ans. La différence est qu’on n’a plus de franchise phare qui capte toute l’attention médiatique comme World of Warcraft.”
Récemment téléchargé à 500 millions d’exemplaires et en tête des charts sur Steam, Summoners War: Chronicles (SWC) gonfle cette myriade de MMO (133 actifs selon mmo-population.com) où l’on croise notamment Final Fantasy XIV Online et Destiny 2. Le jeu gratuit se découvre comme un millefeuille dense. Dans la peau d’un invocateur de monstres, on y suit une quête principale déballant l’histoire -plutôt plate- d’un artefact volé. Dans des donjons, on y croise des pièges et des énigmes pour terminer par affronter un boss. Sa dimension MMO pousse en outre le gamer à progresser dans un monde ouvert criblé de nouvelles quêtes quotidiennes, de ressources à collecter et d’activités comme de la pêche. Des raids sur des donjons avec jusqu’à douze joueurs y sont également organisables tandis que des joutes entre gamers (dites PvP) sont également au rendez-vous, en arènes et sur des champs de bataille.
Cœur de cette pléthore d’activités, l’invocation de monstres en combat alimente le gameplay du jeu bien plus que toute dimension épique et exploratoire. La création d’une équipe équilibrée et puissante prend d’ailleurs du temps, d’autant qu’elle repose sur un roaster de 350 bêtes à collectionner (d’autres viendront)… et à acheter. Sur le terrain, les joutes vues à la troisième personne oscillent entre une attaque de base illimitée et quatre pouvoirs spéciaux soumis à un temps de charge. La palette de mouvements offensifs du joueur y reste toutefois assez basique. Le joueur est d’ailleurs encouragé à laisser tourner le jeu en continu 24 heures sur 24, pour faire grimper ses stats via l’automatisation des combats. Mais ce désir d’ubiquité ne s’arrête pas là. On peut ainsi commencer une partie sur son ordinateur chez soi, pour continuer sur smartphone, dans les transports en commun.
Réinventer les MMO
“Depuis 2015 et l’avènement de League of Legends, les MMORPG se remettent en question dans leurs orientations en misant notamment sur la nostalgie et la réalité virtuelle, mais sans succès, conclut Olivier Servais. Une des dernières tentatives de rénovation tient à la montée en puissance du MMO portable. Clash Royale a montré qu’il avait sa place. Mais le problème est que l’immersion -une notion fondamentale des MMO- reste difficile sur un si petit écran.”
Descendant d’autres jeux labelisés Summoners qui privilégiaient la stratégie temps réel (pour Lost Centuria) et du tour par tour compétitif (pour Sky Arena), la nature gratuite de SWC pousse logiquement à l’achat (en euros) de “cristaux” pour se procurer des “items” premium et autres invocations de monstres. Des notifications dans ses menus et des pop-ups incessants rappellent la nature Gatcha (un ressort ludique découlant des distributeurs de jouets en capsule au Japon -Gashapon- proche du phénomène des loot boxes) de ce jeu proche d’un Genshin Impact, d’un Diablo Immortal ou d’un Tower of Fantasy. S’il semble jusqu’ici miser sur une approche free to play friendly, son ADN hyper mercantile échaude ainsi certains joueurs de MMO. Son accueil par la communauté de Jeuxonline.info, portail de référence du genre, a par exemple été pour le moins été mitigé. Pas facile de réinventer la roue des MMO…
Summoners War: Chronicles ***(*) , édité et développé par Com2Us, âge: NC, gratuit (achats in game) sur PC, Android et iOS.
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