Près de 25 ans après, le jeu vidéo belge précurseur Outcast aura droit à sa suite
Près de 25 ans après son coup d’éclat 3D, Outcast ressuscite et rappelle que la Wallonie fut à l’avant-garde du gaming. Ce précurseur des open world aura fort à faire pour assurer son héritage.
C’est l’histoire d’un come-back épatant. Inespéré. Parmi les stands les plus marquants de la dernière Gamescom, le plus gros salon de jeu vidéo au monde, Outcast 2: A New Beginning rouvrait fin août à Cologne un chapitre oublié de l’Histoire du jeu vidéo belge. Son prédécesseur marquait en effet les gamers de 1999 par sa technologie 3D époustouflante et une approche open world jamais vue. Coiffé d’un budget colossal (pour l’époque) d’1,5 million d’euros, ce jeu de science fantasy s’était payé le luxe de travailler avec l’orchestre de Moscou. Notre pays s’était alors brièvement retrouvé au centre de la carte mondiale du gaming, bien avant les Gantois de Larian Studio (Baldur’s Gate 3, la série des Divinity).
“J’ai quitté le jeu vidéo. Mais j’ai fait le trajet de Bretagne pour voir ce stand de mes propres yeux. Vingt-trois ans plus tard, ça fait quelque chose. ça rappelle plein de souvenirs de développement. Ce début de carrière a été déterminant dans nos vies”, déclare d’une voix émue Yann Robert, un de ses trois créateurs. Entre Stargate, Star Wars et Jurassic Park, l’univers mystique d’Outcast est né de l’obsession graphique de Franck Sauer et d’Yves Grolet au milieu des années 90. Ces derniers misaient alors sur le voxel space, un rendu 3D en nuages de points, qui a hissé les vastes territoires du jeu au rang de précurseur de Gran Theft Auto.
Culte ou presque
Si les 500 000 exemplaires du premier Outcast n’atteignaient pas les millions de copies attendues par son éditeur Infogrames, le jeu -qui est rentré dans ses frais- est resté culte auprès d’une communauté de farouches fidèles qui créaient en 2010 Open Outcast, sa suite officieuse. L’abandon d’Outcast 2 pour des divergences créatives avec Infogrames au début des années 2000, puis la mise au grenier de la licence par ce dernier n’ont pas eu raison du jeu.
“J’ai toujours gardé un attachement sentimental fort à Outcast, note Yves Grolet, aujourd’hui à la tête d’Appeal Studios, ça fait très longtemps que je voulais relancer cette licence. Après une longue période de jeux alimentaires (des titres Kinect pour la XBox, NDLR), j’ai réussi à racheter l’IP d’Outcast pour proposer son remake HD à Bigben, qui a accepté.” Cette refonte, sortie en 2017, a permis au studio carolo de faire ses preuves auprès de ses pairs. Le tout, pour finalement être racheté par THQ Nordic, l’éditeur des Darksiders et de Biomutant. Et ainsi, à nouveau, être dépossédé de son bébé.
“Il faut arrêter de rêver à l’indépendance. Pour ce genre de projet, c’est impossible, souligne Grolet. Et même pour les petits jeux. Désolé si ce n’est pas politiquement correct. Demandez aux gars du pavillon belge de la Gamescom: les ventes sont quasiment à zéro car l’industrie et ses enjeux sont tels que, pour un jeu à moyen budget, tu dois vendre ton IP.”
La vie de château
L’incroyable coup d’Outcast plonge ses racines dans des jeux qui, de 1988 à 1995, ont eux aussi laissé une marque partiellement wallonne dans le paysage du rétro-gaming. Originaires de Fosses-La-Ville, Yves Grolet et Franck Sauer ont notamment lâché Unreal en 1991, puis la claque graphique d’Agony, miracle d’animation parallaxe à trois niveaux, encore largement commenté sur YouTube aujourd’hui. La rencontre avec Yann Robert se fera d’ailleurs au mythique château d’Ubisoft. Planté dans le Morbihan en Bretagne, non loin de la forêt de Brocéliande, cet incubateur avant l’heure hébergeait une vingtaine de développeurs engagés sur onze projets gaming à la fin des années 80.
“Yves a toujours été un féru de jeu vidéo, se souvient Yann Robert. C’est souvent lui qui poussait les limites de l’impossible. Il n’y allait pas par quatre chemins côté critiques aussi, y compris face à plus gros que lui. Je me souviendrai toujours des remarques qu’il a faites à Yves Guillemot (toujours CEO d’Ubisoft, NDLR) sur sa manière de gérer le château. Ce n’était pas méchant. Ce dernier lui avait répondu que s’il n’était pas content, il n’avait qu’à créer sa propre boîte, ce qu’il a fait finalement avec Appeal.”
Avec toujours Cutter Slade pour protagoniste, Outcast 2: A New Beginning n’atteint pas la claque graphique de 1999. Mais la section de la planète Adelpha qu’il présentait en essai à la Gamescom n’avait pas à rougir. Entre invasion robotique et peuplade tribale à protéger, ce third person shooter mâtiné de phases d’aventures se montrait cohérent. Pas moche. Si ce dernier a préfiguré les open world, il risque toutefois de ne pas supporter la comparaison face à un Red Dead Redemption.
“Hormis une poignée d’exceptions comme le prochain Avatar: Frontiers of Pandora d’Ubisoft, la plupart des open world, comme le dernier Saints Row, restent ancrés dans des univers relativement réalistes. Partir sur un lore de science fantasy coloré permet de nous en démarquer, détaille Grolet. On a dû composer avec un budget dix fois moindre que celui d’un Assassin’s Creed et, par exemple, renoncer à tout déplacement aquatique. Mais on s’en sort bien, notamment sur la taille du monde. Les zones habitées ont ainsi été créées par nos level designers, mais la nature les entourant est générée de façon procédurale.”
Offrant des déplacements originaux à son héros grâce à un jetpack, Outcast 2 mettra également l’engin à profit pour épicer, tout en verticalité, ses combats vus à la troisième personne, notamment via une attaque air-sol avec un bouclier. “Le point de départ d’Outcast 2 relève de son approche non-linéaire, précise Yves Grolet. L’autre pan important est son aspect systémique. Tout y a une conséquence. Pour améliorer l’équipement et les stats de son personnage, il faut par exemple s’occuper d’une créature sacrée, cultiver des plantes ou encore brasser de la bière. À cet égard, c’est un jeu très belge.” Du moment qu’il ne se transforme pas en blague…
Outcast 2: A New Beginning, édité par THQ Nordic et développé par Appeal Studios, âge: 16+, prévu en 2023 sur PlayStation 5, PC et Xbox Series.
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