Nintendo passe au gaming en kit de carton
Avec une bonne humeur contagieuse et une précision vertigineuse, le Nintendo Labo construit des accessoires gaming en kit. De quoi devenir un acteur tech plus qu’un consommateur.
Roi du désossage d’iPhone, iFixit squatte la une du Web dès la sortie d’un produit d’Apple. Ce géant de la pièce détachée et de la réparation tech s’est même installé en Australie pour être le premier à démonter chaque nouveauté pommée. Honnie par une industrie poussant à l’échange standard, l’entreprise cultive un esprit Do It Yourself rare et précieux. Cet état de fait n’a probablement pas précipité la sortie du Nintendo Labo, mais ces accessoires de jeux en kits embrassent avec force cette saine philosophie. Mieux, ces deux boîtes de bricolage ouvrent les coulisses du gaming aux adultes et aux enfants. De quoi pousser -non sans humour et pédagogie- la jeune génération à se servir de ses mains. Et à reprendre le contrôle.
Nintendo n’a jamais été en reste lorsqu’il s’agit de donner des outils créatifs et pédagogiques aux joueurs. Il y a un an, Super Mario Maker transformait l’idée d’éditeur de niveaux en expérience infiniment ludique. Leçons de cuisine – Qu’allons-nous manger aujourd’hui? mettait littéralement la main à la pâte, en 2008, tandis que Mario Paint oscillait entre dessin et créations musicales -toujours d’actualité- sur Super Nintendo, en 1992. Nintendo Labo s’inscrit dans le prolongement de ces trois indispensables de la ludothèque de Big N. Parmi les deux boîtes proposées, le Multi-Kit s’impose sans peine comme le favori face à l’unique exosquelette Kit Robot. Légèrement moins cher (53 euros contre 59), il offre cinq bricolages plutôt solides (dites Toy-Con) que Michel Gondry ne renierait pas.
Ça cartonne!
Insecte téléguidé, maison interactive, canne à pêche, guidon de moto et piano: qu’on se le dise, l’intérêt ludique de ces jouets fusionnant avec l’écran tactile de la Switch et ses deux manettes (Joy-Con) s’efface derrière leur montage proprement dit. Ne demandant ni colle ni ciseaux, ces opérations (comptez 1 heure 30 à 3 heures par projet) demandent d’évider des dizaines d’éléments prédécoupés, dans 28 planches en carton. Cet Ikea au pays des origamis s’accompagne d’un guide interactif d’une redoutable exactitude, sur l’écran de la Switch. En zoomant et en faisant pivoter les pièces à l’écran, on vérifie par exemple que la poignée des gaz de la moto que l’on vient de monter est exempte de défaut. Du grand art.
Claudiquant au fil d’une BO funk à la Parliament-Funkadelic, les instructions de montage et didacticiels s’accompagnent de commentaires et de personnages drôles et gauches qui relancent sans cesse l’intérêt. Pas d’excuse pour les nuls et/ou les allergiques au pliage: le Nintendo Labo fait tout pour les encourager et les aider. Au fil des languettes insérées et des élastiques tendus, la confiance grandit. Si bien que l’on finit par monter certaines pièces sans suivre la notice. De quoi susciter des débats houleux en cas de montage à deux.
Utilisant les vibrations, la détection de mouvements et la caméra infrarouge (IR) des Joy-Con, chaque Toy-Con est un vrai petit miracle de bricolage hybride. Le mouvement des touches du piano déclenche par exemple un son en étant détecté par la caméra IR de la manette, elle-même insérée dans le ventre de l’instrument. Cette caméra lit également une carte à perforer (soi-même) et quatre bouchons pénétrant le haut du piano magique. Changeant respectivement la rythmique et le type de son (mention spéciale pour le mode chat), ces deux accessoires se complètent de boutons et leviers aidant à l’enregistrement du mode studio. Korg, es-tu là?
Utilisées pour produire de la musique (!), les pulsations des joypads dirigent également à distance un insecte, via l’écran tactile de la console. Calés dans chaque poignée de la moto, ces manettes permettent encore de mettre les gaz, de freiner et de démarrer le moteur, comme en vrai. De la pêche à la ligne en passant par la maison magique, les gameplays de ces mini-jeux d’arcade ne resteront toutefois pas dans les annales. Mais Nintendo ne s’arrête pas là…
Imaginaires en kit
Au-delà de la construction et des jeux, le Labo propose en effet une vertigineuse phase de « Découverte ». Stylo, pochoir, collage de tissus (comment faire un ourlet)… Big N livre en vidéo toutes les ficelles dédiées à la customisation et même à la réparation de ses Toy-Con. Plus loin, il dissèque ses manettes pour détailler la différence entre la fréquence et la puissance de ses vibreurs internes. La caméra infra rouge du Joy-Con droit est également décortiquée pour ensuite scanner n’importe quel objet et ainsi transformer le visage d’un quidam en terrain de course moto. Une dizaine d’autres exemples émaillent ces applications pratiques aux airs de clefs de compréhensions utiles pour l’ultime mode de ce Multi-Kit: le Toy-Con Garage.
Transformant les manettes de gaz de la moto en instrument de musique ou créant une guitare électrique avec un simple balai, ce mode permet de reprogrammer, à sa façon, les interactions des vibrations HD, la détection de mouvement et autres scans infrarouges. On peut ainsi élaborer un jeu de rythme musical qui distribue des bonbons lorsqu’on garde le tempo, une partie de vrai bowling capable de compter les quilles tombées ou un remake (via un calque papier) de Ball, jeu de jonglage culte sorti sur Game & Watch. Sur YouTube, le Toy-Con Garage fait déjà des émules. Et la vague ne devrait pas faiblir tant les moments d’épiphanie se multiplient pour qui creuse les secrets du Multi-Kit. Un choc presque aussi marquant et fondamental que la découverte des Lego.
Nintendo Labo: édité et développé par Nintendo, âge: 3+, disponible sur Nintendo Switch. ****(*)
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