Le milliard de dollars pour un jeu mobile Nintendo, un succès anecdotique
Fire Emblem Heroes est devenu le premier jeu smartphone édité par Nintendo à franchir la barre du milliard de dollars de revenus, d’après les chiffres de Sensor Tower. Lancé en 2017, il est devenu le fer de lance de l’éditeur sur mobile, un segment qu’il délaisse cependant ces dernières années.
Un milliard de dollars, voilà ce qu’a rapporté Fire Emblem Heroes, le jeu mobile le plus lucratif de Nintendo. A lui seul, plus de la moitié des revenus de l’éditeur sur mobile. Il représente un tiers des revenus générés par la version mobile de Genshin Impact, le jeu chinois en monde ouvert à l’énorme succès. De nombreux petits studios indépendants rêveraient de cette somme, mais pour Nintendo, le montant est dérisoire en comparaison des 60 milliards rapportés par sa console Switch, sortie également en 2017.
À y regarder de plus près, la performance de Fire Emblem Heroes est pourtant remarquable à plus d’un titre : le jeu, téléchargé 17,8 millions de fois, rapporte ainsi 3 à 4 fois plus que Mario Kart Tour pourtant téléchargé 13 fois plus (227,2 millions de téléchargements) !
Car logiquement, parmi les jeux mobiles de l’éditeur, ce sont les jeux de la série Mario, la franchise la plus iconique de Nintendo, qui ont remporté le plus de succès en nombre de téléchargements. Mais paradoxalement, ils n’ont pas beaucoup rapporté d’argent par rapport aux scores habituels des jeux Mario sur console. Il faut dire qu’ils ont été conçus non comme des jeux destinés à être rentables, mais plutôt comme des produits d’appel.
Une présence timide sur smartphone
C’est en effet en septembre 2016 qu’était annoncé Super Mario Run par le créateur de Mario lors d’une Keynote Apple, dans un contexte compliqué pour Nintendo, empêtré dans le flop de la Wii U. Shigeru Miyamoto sur un podium avec Tim Cook : l’évènement était historique, car 6 ans plus tôt, le patron de Nintendo Satoru Iwata présentait Apple comme « l’ennemi du futur ». Mais quelques années plus tard, il fallait se rendre à l’évidence : le très grand public, que Nintendo avait réussi à faire jouer aux jeux vidéo avec la Wii et la DS, s’est tourné vers les smartphones. Peu emballée à l’idée de tirer une balle dans le pied de ses consoles, Nintendo décide d’utiliser les smartphones au service de ces dernières : la firme s’associe avec le développeur mobile DeNA pour lui sous-traiter (tout en les surveillant de près) des jeux dérivés de ses franchises, dans le but de les faire connaître au grand public. Elle espère ainsi que celui-ci prolongera l’expérience en se tournant vers sa future console Switch, pas encore annoncée.
Inventant alors le concept nébuleux du « free to start », Nintendo sort des jeux aux modèles économiques qui se cherchent : démo pour Super Mario Run dont il faut débourser 10€ pour jouer au jeu complet, objets à débloquer avec de l’argent réel pour Animal Crossing Pocket Camp, abonnement mensuel pour Mario Kart Tour… et puis les fameuses loot boxes qui ont valu à ce dernier l’interdiction dans notre pays, ce système de pochettes surprises virtuelles payantes, assimilé à une forme de jeu d’argent, étant illégal chez nous.
Le gatcha à la sauce Nintendo
Et c’est ce dernier système qu’exploite justement Fire Emblem Heroes. Le jeu repose sur le principe du gatcha : en payant avec la monnaie du jeu (que l’on peut aussi obtenir avec de l’argent réel), il est possible d’invoquer des héros qui servent d’unités de combat dans cette version simplifiée du célèbre jeu de rôle tactique. Une série qui se prête particulièrement bien à ce principe avec ses 14 épisodes contenant chacun des dizaines de personnages… Et dans les gatchas, les personnages les plus forts sont évidemment les plus rares, et demandent donc de nombreuses invocations pour être obtenus.
On comprend donc aisément comment Fire Emblem Heroes génère de tels revenus malgré le manque de notoriété de la série auprès du grand public. Un carton qui se ressent surtout au Japon, pays d’origine du concept où on trouve par ailleurs des magasins entiers dédiés aux distributeurs de jouets surprise…
Difficile de dire si les jeux mobiles de Nintendo ont joué ou non un rôle dans l’énorme succès de la Switch. Toujours est-il qu’avec ce dernier, la firme ne semble plus avoir aucun intérêt de continuer dans le jeu smartphone. Elle n’en a d’ailleurs sorti aucun depuis 2019. Quant à son seul jeu mobile d’une licence originale, Dragalia Lost, il verra son clap de fin en juillet et sa fermeture dans les prochains mois.
Arthuria Dekimpe (st.)
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