La NES Mini prend les gamers par les sentiments
Dominant une pile de consoles chinoises néo-rétro aux airs de cadeaux de Noël empoisonnés, la récente NES Mini de Nintendo touche la corde de la nostalgie avec talent. Attention, objet culte.
Rédiger une lettre au Bic ou décrocher son fixe pour un rendez-vous sans Google Maps: 1988 baignait dans des habitudes analogiques. La même année, la NES (Nintendo Entertainment System) lâchait des aventures digitales et interactives plus fascinantes que les flux à sens unique des télés et radios en Europe. Champignons, Triforce et héros au casque bleu: le choc culturel touchera 61,91 millions de foyers dans le monde. Au bas mot, un sur trois au Japon. Bien avant Instagram et Facebook, la console de Kyoto popularisait à grande échelle l’idée d’une double vie numérique par procuration. La machine séminale qui a créé le marché des consoles de salon est depuis lors devenue un objet culte. Alimentée par ce statut et par une nostalgie enflammant les cotes du rétrogaming, la récente NES Mini de Nintendo a logiquement provoqué une fièvre acheteuse. D’autant qu’elle est la première initiative sérieuse du genre.
Aujourd’hui en rupture de stock, la bécane grise (Nintendo Classic Mini: Nintendo Entertainment System pour les puristes) affiche un tarif conseillé de 60 euros. 2ememain.be voit des revendeurs opportunistes placer la mise à 350 euros. Sur Amazon, on navigue à 150 euros. En ligne de mire, la confortable situation financière des « grey gamers », population de joueurs âgés de 36 à 49 ans qui n’a pas lâché le joypad au quotidien malgré les cheveux grisonnant. Cette strate de joueurs également baptisée « hardcore mature » représenterait 18% du public gaming aux Etats-Unis, contre 29% pour les 18 à 35 ans. Ici comme aux States, elle ne cesse d’ailleurs de grandir pour alimenter un business néo-rétroqui ronronne. Avec sa NES Mini, Nintendo n’est en effet pas le premier à toucher la corde sensible du gamer de plus de 30 ans.
L’attaque des clones
Comme des zombies, des clones de machines mythiques des années 80 et 90 refont surface depuis quelques années, avec plus ou moins de bonheur. Rolls des consoles impayables pour les kids du début des années 90, la Neo Geo se voyait ainsi rééditée il y a deux ans en version « X ». L’étrange (mais officielle) machine portable capable de se connecter au téléviseur en a déçu plus d’un, notamment au niveau du rendu de ses couleurs sur grand écran. Si cette console aujourd’hui sold out n’acceptait que des titres réédités via des cartes SD spécifiques, la RetroN 5 d’Hyperkin (150 euros) lit directement des cartouches originales de cinq consoles historiques. NES, Super Nintendo, Mega Drive, Game Boy et Game Boy Advance: cette orgie de fentes doublée de branchements pour manettes originales a elle aussi déçu, notamment sur le terrain de la fiabilité, de la solidité et de la compatibilité.
RetroDuo Portable, Retro-Bit, Super Retro Trio, Poke Fami DX… D’autres initiatives capables de lire un ou plusieurs jeux originaux des générations 8 et 16 bits pour moins de 100 euros pullulent. Mais cette attaque de clones chinois souffre d’une mauvaise presse et de retours d’utilisateurs désabusés. Dommage car pour le gamer, l’idée d’utiliser des vraies cartouches sur une nouvelle machine capable de s’adapter à un écran plat contemporain séduit. Comme avec des vinyles et des CD, parcourir de vraies étagères influence en outre les choix de jeux, tout autrement que via un clic sur un simple émulateur PC…
A l’exact opposé de ce spectre qui compte également des rééditions moyennes de Mega Drive et autres Atari VCS 2600 réalisées par AtGames, l’Analogue Nt et l’Analogue Nt Mini se rapprochent de la hi-fi haut de gamme avec une coque en alu, des broches en or et des circuits audio/vidéo sans compromis. Sold out, la première est un rêve de geek puisqu’elle embarque les processeurs originaux (Ricoh 2A03 et Ricoh 2C02) de la NES. Tarifée 400 euros, la seconde fait l’impasse sur ce matos original, mais promet un rendu gaming sans turbulences, grâce à un circuit logique programmable (FPGA) qui simule le volet matériel de Nintendo. Plus compacte, cette console compatible avec 2.000 jeux (toutes régions) inclut désormais un adaptateur HDMI, une manette sans fil et un port à l’arrière pour brancher des accessoires orignaux comme le Famicom Disk System. Le Père Noël aura par contre du retard puisque cette console n’atterrira qu’en janvier 2017…
Inutile, le réflexe est irrépressible. Impossible de ne pas essayer d’ouvrir la trappe frontale de la NES Mini de Nintendo lorsqu’on la tient en mains. Hélas, la réédition de Big N se présente donc comme un bloc hermétique aux cartouches… et au web. Sans magasin en ligne pour télécharger des titres supplémentaires, le fac-similé de la légendaire 8 bits déçoit également au niveau du câble, bien trop court de sa manette. A moins de disposer d’un long HDMI courant jusqu’au canapé, il faudra donc rester assis à terre, au pied du téléviseur. La console semble de toute façon pensée pour rester à proximité du gamer: son bouton Reset frontal sert ainsi à revenir au menu principal de sélection de ses 30 jeux.
Au-delà de ces quelques défauts bénins, la NES Mini tourne comme une formidable machine à voyager dans le temps. Son affichage qui passe par le saint HDMI résout les problèmes de restitution d’image que les consoles 8 et 16 bits (pensées pour des tubes cathodiques) rencontrent fréquemment sur nos écrans plats. Proposant au choix un affichage 4:3, un autre strié de lignes cathodiques et un mode original, la réplique de la NES tourne via un émulateur.
Manette en mains (très efficace par ailleurs), l’illusion est parfaite. D’autant que la compilation de jeux (accompagnés de trois sauvegardes) est une franche réussite. Au-delà des incontournables de Nintendo (les deux épisodes de Zelda et les trois de Mario), papa Mario jongle ainsi entre shoot them up (Gradius & Galaga), RPG (Final Fantasy), plateforme (Kirby’s Adventure, Mega Man 2) et puzzle game (Dr. Mario). Ghosts’n Goblins, Metroid, Excitebike, Castelvania 1 & 2, Ninja Gaiden et Double Dragon II complètent cette liste aux airs de musée éclairé.
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