Jeux vidéo : En VR et contre tout

Le trip SF Hubris est l’une des têtes de gondole de la VR belge. © National
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Un nombre stupéfiant de jeux VR occupait le stand belge de la dernière Gamescom de Cologne. Délaissée par de nombreux éditeurs, la réalité virtuelle semble obséder notre pays. Explications aux côtés des créateurs de Silhouette et d’Hubris.

Au beau milieu de la Game Developers Conference de San Francisco, un des salons gaming les plus importants du monde, le come-back de la réalité virtuelle (VR) était inespéré. Il y a près de dix ans, le prototype du Rift d’Oculus y avait causé d’interminables files de visiteurs fébriles. Mais l’avènement de cette nouvelle ère, maintes fois annoncée depuis lors, tarde. D’autant que les visiocasques n’ont guère convaincu leur cible principale: les gamers. Trente-six modèles, sept ans de sorties continues pour à peine 11 millions de casques vendus dans le monde, l’an dernier (1). Meta (Oculus), HTC et autres Sony ne sont pas à la fête. Pas de quoi décourager pour autant la surenchère VR du stand belge lors de la dernière Gamescom de Cologne.

C’est sûr, la VR reste un segment de niche. Mais en toute franchise, il est plus facile d’avoir des financements sur ce terrain qu’ailleurs. Nous avons ainsi reçu 125 000 dollars de l’Oculus Quest Store (le magasin d’applis de Meta, NDLR) car il a besoin de remplir son catalogue, glisse Bastien Gorissen, cofondateur de la Team Panoptes. Mais c’est loin d’être la seule raison. La VR reste un territoire assez vierge en termes de nouvelles idées ludiques à exploiter. Beaucoup plus que dans le jeu vidéo classique.”

Installé sur un stand national notamment planté par l’Agence Wallonne à l’Exportation, Silhouette, que Bastien Gorissen présentait aux côtés de 21 autres Belges, illustre à merveille cette situation. Peuplé de gnomes évoquant ceux de Patapon, ce puzzle game en cours de développement a l’excellente idée de rénover le gameplay des Lemmings à coup d’ombres chinoises. Le gamer y tient ainsi sa main à l’horizontale pour créer la silhouette d’un pont aidant ces créatures à traverser un ravin, ou serre le poing pour former un rocher qui bloque un courant aquatique. Ces jeux de mains affectent l’environnement avec une rare élégance. Si bien que Silhouette vient d’être nominé à l’imminent Stereopsia, le grand forum dédié à la réalité mixte qui aura lieu du 17 au 19 octobre à Bruxelles.

Suite à l’appel à projets de Meta, on a réfléchi à ce qu’on pouvait faire en hand tracking sans devoir attraper des objets avec la main, car ce n’est pas agréable. Le jeu d’ombres de Silhouette est parti de là, poursuit Thomas Stassin, cocréateur du jeu. On a essayé de faire un truc chill, de glisser le joueur dans un cocon réflexif. La VR s’y prête vraiment bien.

Le mirage de la réalité virtuelle?

Matériel cher, inconfort physique, morcellement des supports, manque de killer app exclusive… Les inconvénients de la VR sont encore nombreux. En 2019, une partie de VR durait en moyenne 20 minutes, pour une heure et demie de jeu hebdomadaire. Mais cela a changé avec le confinement: “Les chiffres du Quest de Meta pointent plutôt des parties d’une heure en moyenne. Les gamers vont progressivement s’y habituer, les casques deviennent plus confortables, défend Ives Agemans, chef d’orchestre d’Hubris et fondateur du studio Cyborn. Les nausées que la VR provoque encore chez certains gamers vont disparaître aussi. Je pense notamment au prochain PlayStation VR2 de la PS5.

Prévu sur ce dernier, Hubris s’imposait comme un autre projet remarquable du stand belge lors de cette Gamescom. Le jeu, entre parkour, shooter et puzzle game, multiplie les gameplays dans un trip SF proche de Halo.

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Explorant une planète extraterrestre pour y retrouver un mystérieux agent, le gamer y court, saute, grimpe et franchit des obstacles avec un câble organique. Des phases de nage sous-marine étonnamment convaincantes jalonnent également le parcours. S’il souffre d’une direction artistique générique, Hubris se hisse sans peine comme une des plus belles productions VR de 2022. Pas étonnant: les Anversois de Cyborn ont travaillé sur la motion capture et les effets spéciaux d’Horizon Forbidden West (Guerilla Studio/Sony). La VR, elle, s’est imposée par la force des choses comme une porte d’entrée d’un rêve gaming enfin accessible pour Cyborn.

Silhouette
Silhouette © National

J’ai créé ce studio pour faire du jeu vidéo mais ce n’était pas viable à l’époque, explique Ives Agemans. On a donc fait des films d’animation et de la motion capture. De fil en aiguille, on a vendu ce savoir-faire pour des applis smartphone mais aussi des grosses productions gaming. On a aussi cocréé un serious game hospitalier en VR qui aide les enfants à faire face à l’anesthésie. Le succès de ce dernier nous a finalement poussés à lancer Hubris.

Last night the VR saved my life

Sans doute inspiré par le succès de Space Pirate Trainer, star belge de la niche VR, deux projets étudiants s’affichaient aussi, flingue à la main, sur le show-floor de Cologne. Big Shots VR d’Altereyes se glisse à bord d’un mecha défendant des unités de productions minières contre plusieurs vagues d’attaques extraterrestres. Double pétoire, lance flamme, mitrailleuse… Le jeu de tir marche avec un certain talent dans les pas des pérégrinations agricoles guerrières de Suits, un des épisodes de Love, Death & Robots sur Netflix. Quant à Gazzlers, le rail shooter de Bonzai Studio, il adopte la forme d’un roguelite se jouant en coop à quatre à bord d’un train attaqué par des hordes d’adversaires hurlants, entre Super Meat Boy et LesLapins crétins.

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Vous en voulez encore? Les Liégeois de Wild Bishop travaillent sur Glitch (un FPS compétitif en VR) tandis que le très loufoque Space Control VR (entre Rick & Morty et Paper, Please) devrait sortir en 2024. Cette avalanche belge de VR contraste face à l’intérêt quasi nul des futures sorties des éditeurs gaming (indés comme classiques). S’il avait lâché Star Trek: Bridge Crew et Eagle Flight il y a quelques années, Ubisoft, par exemple, lui tourne le dos.

La réalité virtuelle, largement sponsorisée par Meta, semble toutefois ouvrir des portes au développement gaming tant en termes d’idées ludiques que de viabilité économique. En son temps, le motion gaming avait lui-même été très sponsorisé par le hardware de Microsoft et Sony. Le premier a permis aux Carolos d’Appeal Studios (Outcast) de survivre tandis que le second a financé Flower de Jenova Chen. L’histoire gaming serait-elle un éternel recommencement?

(1) À titre de comparaison, la vieillissante PlayStation 4 s’est écoulée à 116 millions d’unités l’an dernier.

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