Past Lives (Nos vies d’avant): drame intimiste sur 20 ans, entre deux continents

Tout commence au comptoir d’un bar new-yorkais, à une heure avancée de la nuit, alors qu’un client s’interroge sur la relation unissant le trio, une femme et deux hommes, qui lui fait face. Question à laquelle Past Lives, le premier film de la cinéaste et dramaturge canado-coréenne Celine Song, va ensuite s’employer à apporter une réponse, remontant le fil de l’histoire de Nora (Greta Lee), Hae Sung (Teo Yoo) et Arthur (John Magaro). Direction Séoul, où les deux premiers connaissent une enfance sans nuages, amoureux platoniques que la vie va se charger de séparer une première fois à 12 ans, lorsque les parents de la fillette décident d’émigrer au Canada. La suite va les ballotter au gré des aléas de l’existence, se rapprochant timidement par réseaux sociaux interposés pour bientôt s’éloigner; asynchrones face au destin et au temps qui s’écoule, inexorablement. Et qui voudra que lorsqu’ils se retrouvent enfin à la faveur d’une visite de Hae Sung à New York, Nora, désormais dramaturge, forme un couple heureux avec Arthur, un auteur.

Drame intimiste, Past Lives rejoue sur une vingtaine d’années la partition des occasions manquées
dans une humeur n’étant pas sans rappeler celle de Eternal Sunshine of the Spotless Mind ou le
cinéma d’un Richard Linklater. Celine Song a le trait délicat et affûté, tissant minutieusement le fil de la
connexion invisible reliant Hae Sung à Nora dans un film bercé de mélancolie qui, s’il adopte une tonalité douce-amère de circonstance, ne verse jamais dans la facilité ni les clichés. Ceux de la comédie romantique notamment, esquivés avec doigté pour composer un triangle amoureux inédit, auxquels les comédiens, épatants, confèrent une grande justesse émotionnelle. Magnifiquement écrit, lumineusement incarné et mis en scène avec une finesse jamais démentie, Past Lives est un film dont l’onde pénètre le spectateur en profondeur. Bouleversante et indélébile.