Paris si la sortie

Lundi, c’est Rivoli. Pour les dernières pérégrinations nocturnes de la saison, notre chroniqueur s’est payé une star. A Paname en plus. Night in Night out, épisode 41. Episode final.

Ca commence comme souvent. Dans l’impulsivité. Sur un coup de boule, le dernier Thalys vers Paris pour, à tout le moins, le dernier « Night in, Night out » de la saison. Dans l’impulsivité, mais pas gratuitement. Je sais où je vais. On m’attend. Pas impatiemment, mais on m’attend. Enfin j’espère qu’on m’attend. Sinon, je serai seul comme le dernier fishstick d’une boîte de 15, dans un dîner aux chandelles entre amoureux strictement partageurs. Le pincement au cerveau, c’est pour le Mirano: loupé Pantha du Prince la veille, loupé les monstres Kevin Saunderson et Derrick May le soir même. Joli week-end à la chaussée de Louvain. Bruxelles a des fourmis dans les cuisses, en cette fin d’examens. Mais Paris s’en fout. En règle générale, Paris s’en fout de tout le monde d’ailleurs. En règle générale aussi, la fascination ambiante pour la Ville Lumière (beurk) me laisse dubitatif: l’architecture est soufflante mais les rues sont malsaines, les clochards dorment sous les lampadaires sans que quiconque s’en émeuve. Alternance de luxe et de lutte: la rue de Rivoli, en pleine nuit, accueille Bob Sinclar et Bob Syncope, Cloclo Junior et Clodo Major, Stromae et Stro-dur.

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Il n’est pas encore minuit. Devant le VIP Room, la sécurité sécurise. Ca brille. La veille, l’enseigne a tiré sa clinquante épingle d’un jeu qu’on joue entre privilégiés: Usher a showcasé, et ce soir, c’est …biiiiip… qu’on annonce. Surprise. J’ai rendez-vous, alors on m’accorde fermeté et courtoisie. Sans ça, pas sûr qu’avec mon sac à dos fatigué, fermé avec une épingle à nourrice, les videurs m’auraient ouvert leur coeur si facilement. Dedans, l’équipe trépigne, prête à en découdre. Je commande un Red Bull, parce que la nuit s’annonce traînante. Surtout s’il me faut reprendre le Thalys au petit matin. Un Red Bull, 10 euros. En temps normal, ces deux termes ne s’accouplent pas dans une même phrase, sauf en cas de plan à trois avec une vodka. « Par curiosité, vous vendez combien vos alcools? » Le barman a la dizaine facile: 20 euros l’ensorcèlement. Le plan anti-cirrhose. Au vestiaire, veste et sac-à-dos seront, je l’espère, choyés façon bichonnage: 6 euros le parking. L’escalade de la violence. Et pour les toilettes? Besoin d’argent, Maurice Noël? A 10 euros, le Red Bull goûte le Petrus, c’est étonnant. Et là, un nain en Pampers, chapeau de bébé sur la cime, s’accoude (?) au bar, commande pour le boss: Jean-Roch, patron historique du VIP Room, is in da house. Me salue distraitement. Et vaque. N’empêche, il est grand ce nain, pour un nain. Quitte à prendre un nain, autant prendre un petit nain.

Le public afflue doucement, retenu derrière les cordons. Les premières filles débarquent, vulgaires souvent, sublimes parfois. Beaucoup de bluffeuses, bienvenue à minuit. Puis, là, au dehors, une berline aux vitres fumées s’arrête net. Patiente. Jean-Roch s’active, les caméras aussi. « Elle est là. Soyez discrets. » A cette heure-là, la boîte est vide ou quasi. Debout, breuvage en main, l’air aussi détaché qu’une cuisse de grenouille, je la matouille, un peu mais à peine, quand elle pénètre dans le patio. Petite, un peu fanée, charismatique. Je viens de croiser Madonna. Quelle histoire hein? Son nouveau mec, un Français, a (vraiment) 28 ans de moins qu’elle. Mais il a de la gueule. En attendant, suis toujours seul au bar. Par snobisme certainement, la Ciccone ne me convie pas à sa tablée. J’attends encore. Et vois, en pleine fashion week, de véritables brochettes de mannequins franchir le seuil d’une boîte qui, à la vitesse de l’éclair, remplit ses coins et recoins. Ca me rappelle le Pacha, à Ibiza. Ou l’Ananda, à Madrid. La terre est une bien drôle de planète, qui porte tant de filles aux jambes si longues. Cela dit, l’une d’elle, visage somptueux, a chacun des os de la colonne distinctement dessinés à travers la peau. Glauque. Enfin glauque, c’était avant de voir se pointer l’un des deux frères Bogdanoff. Madonna, Bogdanoff

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Grischka ou Igor? Aucune idée. Mais son excroissance faciale, dont la force n’est pas sans rappeler l’éminent requin-marteau, requiert un large passage pour éviter les accidents. Là, en fait, j’attends toujours, et je me meurs. Mon rendez-vous n’a manifestement pas que ça à faire. Parce qu’il s’agit de régenter tout ce beau monde. Surtout à l’entrée, où quelques pieux représentants de la plèbe risqueraient, en cas d’inattention, de se faufiler parmi le gratin. Je me demande quand même s’il est possible de s’amuser à l’intérieur: les tables sont aussi proéminentes que les bouteilles de Dom Pérignon qui les couvrent, et le sol, reflet d’une propreté ambiante quasi irréprochable, ne me donne aucune envie d’y jeter mon Stimorol. Sclérosé? Où danser? Comment s’abandonner? Le DJ, top 50 dans la tête, fait néanmoins bouger les premières hanches. Mais j’attends. Encore et toujours. Seule la perspective de voir arriver Simon LeSaint me réchauffe les palpitations. Back-up musical pour la tournée de Stromae, l’ami LeSaint vient de jouer au Stade de France, en première partie des Black Eyed Peas. Mais ne trouve pas de taxi pour le véhiculer. Alors j’attends encore. En scrutant ce nombre incalculable de gens beaux et/ou riches et/ou stylés et/ou vulgaires se pavaner dans le club. A côté, les Jeux et le Spirito ressemblent au Fuse. J’adowe Pawis, Touw Eiffel. Super, une imitation d’accent par écrit. Tout va bien.

Madonna vient de partir. Sans doggy bag: ses bouteilles restent plantées sur la table et l’un de ses invités, avec qui j’avais fait connaissance un peu plus tôt, me propose de finir le taf. J’accepte. Comme un rat. Pour passer le temps, j’attaque la vodka. Et j’observe. En contrebas, sur la piste circulaire, un mec chauve se livre à de confondants rituels. Autorisé à shaker sa vie aux côtés des gogos (ou devrais-je dire, des avions déguisés en gogos), l’homme distribue le Cristal Roederer, l’un des champagnes les plus chers du marché, autour de lui. Puis il vide l’une des bouteilles pour pouvoir y mélanger du Red Bull. Jugée par mon ami oenophile Bernard Dobbeleer, cette pratique frapperait cet homme d’une peine d’emprisonnement exemplaire. Barbarie. Même Jean-Roch, bien heureux d’avoir des clients capables d’aligner les dizaines de milliers d’euros, se met finalement à grimacer: s’il est probablement le plus onéreux des sports, le lancer-de-Cristal-Roederer-vers-le-DJ-Booth recèle tout de même son lot de dangerosité. Effrayant. Les leds de la scène principale s’en souviennent encore, brisés en partie par cette bouteille venue d’ailleurs. Alors que ce curieux spectacle se poursuivait joyeusement, Simon LeSaint fit enfin son apparition. « Alors, le Stade de France, c’était comment? » « Bah, moi ça me parle pas. C’est pas comme si j’avais joué au Stade Constant Vanden Stock. » Quand on a des amis comme ça, on peut prendre le premier train vers Paris, à 6h, l’âme en paix. Une jolie fin, non? Merci à toi. Rideau.

Guillermo Guiz

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