
Trump donne un nouveau souffle à la guerre culturelle antiwoke
Porté par la victoire de Trump, le courant anti-woke relance de plus belle la guerre culturelle. Au risque de voir la liberté artistique muselée?
Les idées progressistes, et ceux qui les portent, ont du souci à se faire. Cela a été dit et redit, l’arrivée de Trump aux commandes du vaisseau amiral de l’économie mondiale n’ouvre pas seulement une longue période d’incertitude géopolitique, mais aussi de glaciation idéologique et culturelle. Le sniper en chef de la Maison-Blanche ne manque pas une occasion de flinguer les mesures mises en place pour les minorités, sexuelles ou raciales, comme dernièrement quand il s’en est pris à la discrimination positive, cette politique –il est bon de le rappeler– qui visait au départ à corriger des injustices structurelles héritées du passé esclavagiste et ségrégationniste.
Ce faisant, le président MAGA reprend à son compte cette vieille rengaine nauséabonde qu’on pensait rangée définitivement dans les cartons de l’histoire, à savoir que les gays, les trans et les identités fluides sont des déviants, voire des malades, et que les étrangers sont des êtres inférieurs. Il ne le dit pas comme ça –pas encore– mais en essentialisant les personnes racisées –Les Mexicains sont des délinquants en puissance, les Haïtiens des voleurs pathologiques, etc.–, c’est du pareil au même.
Logiquement, sa définition de la culture et les valeurs qu’elle est censée véhiculer trempent dans le même bain néoconservateur arrogant et revanchard. A (l’extrême) droite toute! Hors du divertissement inoffensif ou racoleur, la production artistique –même celle qui jette des ponts entre les communautés ou attire l’attention sur les malheurs du monde– est assimilée à de la propagande gauchiste sapant les fondements d’un mode de vie ancestral –sous-entendu: patriarcal et blanc, et tant pis pour les populations autochtones qui étaient là avant, largement «génocidées» il est vrai. Si on l’écoutait, les bibliothèques des écoles ne comporteraient plus que deux titres: la Bible et le magazine Fortune…
Avec cette offensive réactionnaire à grande échelle, reprise en chœur par ses nouveaux toutous de la Silicon Valley qui ont mis leurs puissants mégaphones à sa disposition –business is business–, la guerre culturelle qu’on pressentait est entrée dans une nouvelle dimension. Il n’a d’ailleurs pas fallu longtemps après le triomphe du républicain pour que le fond de l’air change du tout au tout, que les martyrs autoproclamés du wokisme, aux Etats-Unis comme ailleurs, relèvent fièrement la tête et promettent de remettre de l’ordre dans les comptes publics mais aussi dans les têtes. Pour un peu, être réac est devenu cool. Chacun est libre évidemment de préférer la messe à un concert de rap, mais quand des responsables de premier plan commencent à faire le salut fasciste, on se dit que les jours de la démocratie sont comptés.
Simple réaction aux excès du politiquement correct? Certaines dérives ont certes fait du tort à la cause ou tourné en ridicule un combat légitime, mais à l’aune des statistiques qui montrent que les victimes d’hier sont toujours largement celles d’aujourd’hui –songeons juste aux féminicides–, l’argument est un peu léger. Les partisans d’une vision ultratradi de l’existence veulent surtout profiter de la fenêtre de tir politique et idéologique qui s’offre à eux pour partir en croisade. D’autant qu’ils peuvent désormais s’appuyer sur un solide réseau de relais –radios, télés, réseaux sociaux et même parcs d’attraction revisitant l’histoire avec un œil partisan comme la Cité de l’histoire à Puteaux, en France– pour infuser la bonne parole. C’est-à-dire la leur.
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