Adolescence, la série Netflix qui montre les ravages du masculinisme

Owen Cooper et Stephen Graham dans Adolescence. © Courtesy of Netflix
Laurent Raphaël
Laurent Raphaël Rédacteur en chef Focus

Série phénomène, Adolescence illustre les ravages du masculinisme sur un ado livré à lui-même. Une vision prophétique d’un monde privé de culture…

Un mot résume bien le climat de défiance actuel envers la culture (et la science): délégitimisation. Un processus qui se nourrit à la fois du discours antiélitiste largement véhiculé par les réseaux sociaux et du projet idéologique de l’extrême droite, épaulé par un populisme soluble dans le néo-libéralisme, de brider une culture trop perméable aux idées progressistes. Lesquelles seraient responsables, selon eux et pour faire court, de la décadence de l’Occident. 

Résultat des courses: les politiques n’ont plus de scrupules à couper dans les budgets alloués aux acteurs artistiques, dans des proportions jamais vues et qui dépassent de loin l’effort supposé pour compenser la baisse des rentrées de l’Etat ou l’inflation des dépenses militaires. 

Même en France, pays des Lumières qui a mis les arts et les lettres au centre de son roman national, le secteur s’apprête à vivre des jours difficiles. On peut parler de grand désinvestissement. Plusieurs régions et départements l’ont annoncé, ils vont saquer dans les budgets culturels en 2025: -74% pour les Pays de la Loire, -20% en Ile-de-France. Le ministère de la Culture n’est pas épargné, sa part -en baisse- dans le budget global de la nation passant à 0,6% (contre près de 1% il n’y a pas si longtemps). Avec quelles conséquences? Des programmations réduites (et, derrière, du chômage en hausse pour des compagnies ou artistes moins souvent bookés), des festivals ou événements annulés, voire des disparitions pures et simples. Personne n’est vraiment à l’abri puisqu’il était entendu jusqu’il y a peu que la culture, parce qu’elle élève, qu’elle favorise le vivre-ensemble et qu’elle lutte contre l’intolérance, devait bénéficier de subsides. Au même titre que l’éducation, le sport ou les soins de santé. 

L’horizon n’est pas plus dégagé chez nous. Le BIFFF pourrait ne pas passer le printemps. Dans un communiqué, le festival du film fantastique a fait savoir que, faute de garanties suffisantes sur son financement, sa 43e édition, qui se déroulera en avril, pourrait bien être la dernière. Le flou politique persistant à Bruxelles ne facilitant évidemment pas les choses. 

On peut parler de temps obscurs pour la culture, malmenée au portefeuille mais aussi minée par une (auto)censure de plus en plus virulente et décomplexée. Aux Etats-Unis mais aussi chez nous. Sauf quand elle revêt les habits inoffensifs du divertissement ou du folklore, son utilité sociale est remise en question. Comme son message altruiste et humaniste, plus vraiment en adéquation avec la loi du plus fort que plébiscitent les démagos. 

Que faire pour lutter contre ce fourvoiement collectif? On le sait, les arguments rationnels échouent à percer la carapace des croyances forgées dans la rancœur et la frustration. La clé se trouve peut-être dans un emballage plus émotionnel. Une série télé grand public qui fait le buzz en ce moment pourrait être un début de réponse: Adolescence. Disponible sur Netflix (et pas Arte), elle a fait parler d’elle pour sa mise en scène virtuose, succession de quatre plans-séquences pour autant d’épisodes démarrant avec l’arrestation d’un jeune de 13 ans, suspecté du meurtre d’une camarade de classe. Mais c’est ce qu’elle raconte en creux sur la société d’aujourd’hui qui est peut-être le plus important: comment le masculinisme, quand il n’est pas tempéré, transcendé par la culture, concourt à fabriquer des monstres. Pas de grandes envolées intellectuelles ici, pas de confiture moralisatrice, juste une fiction qui illustre l’impasse de cette guerre contre la raison et la beauté. C’est ce modèle autodestructeur que veulent nous vendre ceux qui prétendent nous sauver. Non, merci.

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