Ti di didi ti di didi… Mes adieux à la Twilight Zone
Voilà le Crash Test S07E30 et il n’y en aura pas de S07E31. L’occasion d’une dernière fois comparer les réseaux sociaux à La Quatrième Dimension et de remercier tous ceux et toutes celles sans qui ces années de chroniques n’auraient pas été possibles. En plus de vous donner l’envie expresse d’huîtres à Liège!
Quand j’ai commencé ces chroniques du lundi, en septembre 2015, je me marrais encore bien sur les réseaux sociaux. Un peu trop même. Ce n’était alors pas compliqué de dégotter un sujet amusant sur lequel écrire. Pas forcément léger mais amusant. Il y avait encore beaucoup de vie sur Facebook. Twitter n’était pas encore devenu un ring de Mortal Kombat largement militant, ainsi que les archives de la STASI moderne. La plupart des gens s’y la jouaient grave mais plutôt maladroitement, et y cueillir de la couillonnade afin de la commenter de façon sarcastique n’était dès lors pas très difficile. Cette pêche aux idioties me plaisait, j’en étais même assez accro. Je subissais «the fear of missing out» (le Syndrome FOMO, «la peur de rater quelque chose»), comme on appelait ça. Le monde du dehors était lui-même plus cool, vu que David Bowie était toujours vivant. Sept saisons plus tard, ce n’est plus trop le cas. Le monde du dehors est un constant shitshow et sur les réseaux sociaux, la seule peur que j’ai encore n’est pas de rater la dernière idiotie qui fait jaser «Le Petit Monde» (copyright Georges-Louis Bouchez) mais bien d’apprendre que les Russes ont vitrifié Kyiv. Je n’ai en réalité carrément plus rien à faire des couillonnades «made in 2022»: Sandrine Rousseau, le wokisme, les pêches au thon, le solarpunk, le vote qui devrait être interdit aux plus de 65 ans non mélenchonistes, le débat chocolatine/pain au chocolat, etc… Rien à foutre! Vraiment! Les chroniques de ces dernières semaines l’ont d’ailleurs assez reflété, je pense.
Elles sont en effet bien davantage nées du doomscrolling que de l’hilarité. Ces derniers jours, j’ai d’ailleurs encore passé un temps assez dingue à m’injecter dans le sytsème de l’anxiété à la louche en m’informant un peu trop sur le confinement général à Shanghai ainsi que sur cet emballement en roue libre de Twitosses qui avaient cru reconnaître sur une vidéo tournée à l’arrache par un mauvais smartphone un bombardier nucléaire en route vers l’Ukraine… alors qu’il s’agissait en fait d’un bombardier «normal» rejoignant sa base en Russie! Tout cela n’est pas bon. Ni pour le moral, ni pour la banane. Attention, pas d’inquiétude: ça va plutôt pas mal, hein. Je n’écris pas ceci la tête dans le four ou le cou attaché par la cravate à un radiateur! Je dis juste que depuis un bout de temps déjà, au moment de partir à la recherche d’un sujet «typiquement réseaux sociaux» pour en tirer une chronique publiable ici, j’ai de plus en plus souvent surtout ressenti l’envie de longues marches en forêt, de vol-au-vent accompagné de frites à une terrasse d’un «plus beau village de Wallonie» ou encore d’acheter du terreau et de faire mumuse avec des cactus en écoutant les albums chantés de Brian Eno. C’est en fait assez simple: je pense que Facebook est cérébralement décédé vers 2017 et Twitter dès le débarquage de Donald J. Trump, l’an dernier. Ce ne sont plus des réseaux sociaux, c’est devenu la Twilight Zone, La Quatrième Dimension, «une zone où l’imagination vagabonde entre la science et la superstition, le réel et le fantastique, la crudité des faits et la matérialisation des fantasmes.»
Ti di didi ti di didi ti didi didi didi…
Je pourrais vous détailler pourquoi je pense ça. Logique pour une chronique consacrée au sujet. Sauf que le véritable sujet de cette chronique, ce sont mes adieux. Cette collaboration avec Focus s’arrête en effet aujourd’hui. Sans acrimonie, sans portes claquées, sans coup de pied au cul, sans polémique, sans désaccord profond sur le contenu. Une décision principalement comptable dûe au… Covid. Celui qui affole les marchés, pas l’Omicron que j’ai confondu avec une indigestion en début d’année. Là encore: ti di didi ti di didi ti didi didi didi… Je dois malgré tout bien avouer que cela me soulage tout de même assez. Quoi? Je ne dois plus passer les dimanches le cul vissé sur ma chaise à roulettes devant mon ordinateur rendu à moitié cinglé par un litron de kaoua à chercher un sujet voulu amusant dans une mer certes virtuelle mais néanmoins noire de désespoir bien réel? Quoi? Je suis libéré de la Twilight Zone, comme jadis Bob Morane quand il est enfin sorti d’Ananké? Quoi? Je vais enfin pouvoir aller gober une demi-douzaine d’huîtres accompagnées d’une perfusion de Chardonnay sur La Batte le dimanche? Quoi? Je peux désormais complètement disparaître des réseaux sociaux, si j’en ai envie, y renoncer complètement, si j’en ai envie, et y militer pour leur anéantissement, ce dont j’ai envie, sans que cela ne me coupe l’une de mes principales sources d’inspiration professionnelle? Quoi? Je vais aussi enfin avoir le temps d’écrire ma pièce de théâtre où tout le monde est sous cocaïne et parle donc vite et scénariser ma bédé à faire vomir les arachnophobes? Quoi? Je n’ai dès demain plus de chronique à rendre chaque semaine sur ce qu’il se passe sur Internet? Allô, Base? Combien j’ai de gigas pour 3 euros, car je voudrais drastiquement rabaisser ma consommation?
Mesdames et messieurs et X du public, ce fut malgré tout ce que je déblatère là un réel et grand plaisir de vous avoir comme lectrices et lecteurs durant toutes ces années. Mesdames et messieurs et X de la rédaction, vous n’étiez pas mal non plus durant ce même laps de temps. Je vous dois beaucoup et cela ne sera jamais ni oublié, ni minimisé. Si c’était à refaire, je le referais. Sans la moindre hésitation. Dans la prochaine vie ou dans le futur de celle-ci, ça, ça dépendra donc surtout des services comptables mais we’ll meet again. Don’t know where. Don’t know when. Allez, merci à toutes et tous et à bientôt! Surtout vous, Laurent, Vincent et Kevin! Maintenant je vous laisse, car l’appel de l’huître de La Batte est surpuissant! Oufti, qu’ène affaire…
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