2024, déjà un grand cru culturel?
Si 2024 inspire légitimement la méfiance, la culture devrait échapper à la sinistrose. Que ce soit au rayon séries, cinéma, arts plastiques ou littérature, les propositions excitantes ne manquent pas. Mise en bouche.
Ouf, on en a fini avec les urticantes bonnes résolutions qui s’évaporent dès le 2 janvier et servent surtout à boucher les trous dans les JT au lendemain du réveillon, quand l’actualité s’est un peu assoupie, entre le décompte des voitures calcinées et le tour du monde des feux d’artifice. On peut enfin passer à autre chose. Et s’interroger par exemple sur ce que 2024 nous réserve encore comme coups tordus. Oups. Ça y est, on est à peine le 4 janvier et je verse déjà dans le pessimisme. Ce qui n’est bon ni pour mon espérance de vie ni pour le PIB. Tous les économistes vous le diront, un consommateur heureux dégaine plus facilement sa carte de crédit qu’un angoissé chronique qui sursaute en croisant son ombre.
Des raisons d’espérer un peu, il y en a pourtant malgré l’ardoise que nous laisse 2023. Si Dieu est bien l’architecte de l’univers comme semblent en être persuadés quelques milliards de fidèles, ce farceur a décidé de tester notre résistance au stress et à la douleur en multipliant les conflits, dérèglements, menaces, poussant même le vice jusqu’à rendre crédible une prochaine apocalypse, qu’elle soit climatique, virale, nucléaire ou numérique. S’il n’est par contre pour rien dans le chaos actuel, et si on veut bien s’arracher un instant à cette pesanteur narcissique qui colle à la peau comme une crème solaire trop grasse, il faut reconnaître que l’humanité est quand même une drôle d’espèce qui cultive l’art de se pourrir la vie. De Cassiopée, Gaïa doit ressembler à un bac à sable géant où des garnements à l’ego surdimensionné passent leur temps à se chamailler. Ce serait juste risible si cette attitude ne semait pas désolation et souffrances et si elle ne mettait pas en péril notre futur à tous.
Bref, si le tableau n’invite a priori pas à l’optimisme, et que les nombreuses échéances qui se profilent à l’horizon (élections à haut risque aux États-Unis, ribambelle de grands événements sportifs…) pourraient faire basculer le monde d’un côté (nouvel élan démocratique, esprit de communion…) comme de l’autre (montée des populismes, troubles et tour de vis sécuritaire si le terrorisme devait s’inviter aux JO…), on peut toujours se raccrocher au menu culturel alléchant pour caresser l’espoir que tout ne sera pas à jeter des 365+1 jours à venir.
Un simple coup d’œil sur les tablettes ciné et séries ne laisse planer aucun doute: il y aura du caviar et du saumon sur la table. À côté des suites très attendues (le deuxième mouvement du space opera Dune de Denis Villeneuve fin février ou encore la quatrième saison de l’iconique True Detective (lire notre dossier page 46) dès la semaine prochaine), c’est carrément un convoi de noms excitants qui est annoncé en gare: Sofia Coppola a ouvert le bal avec son Priscilla, suivront Yórgos Lánthimos, Hirokazu Kore-eda, Todd Haynes, Jonathan Glazer, Bertrand Bonello. De la SF, de l’étrange, du glaçant, de la poésie, du réalisme, pour sonder encore et toujours les questions sociales, identitaires et morales qui fâchent. Qui sait, dans le lot se trouve même peut-être le nouveau Barbie qui va affoler le box-office.
Largement de quoi espérer ne pas devoir se gaver uniquement de plats préparés à la chaîne -et trop généreusement assaisonnés d’images clinquantes et de twists prévisibles- par Netflix. Et si le petit et le grand écran ne remplissent pas le contrat, on pourra toujours se réfugier dans les musées: on peut compter sur James Ensor, les surréalistes (les deux à Bozar dès février) ou les impressionnistes (au Musée d’Orsay à partir de mars) pour astiquer les petits marquis et remettre la beauté au milieu du village.
Ou se jeter dès à présent à corps perdu dans la “petite” rentrée littéraire (482 romans quand même). Qu’ils soient compulsifs ou occasionnels, les lecteurs trouveront chaussure narrative à leur pied dans l’incroyable diversité de sensibilités, de questionnements, d’expérimentations formelles qui fourmillent dans cette luxuriante forêt de papier. Petit avant-goût avec notre sélection “lue et approuvée” de 30 titres.
Non, décidément, il n’y a aucune raison de démarrer l’année en faisant la grimace. Et c’est un indécrottable bonnet de nuit qui le dit.
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