On a assisté au concert d’Indochine au Ronquières Festival: l’éternelle jeunesse
Sur un site toujours aussi spectaculaire, mais qui a pas mal souffert de la météo pourrie, le Ronquières festival glisse mais ne tombe pas. Avec Indochine pour lui assurer une première soirée sold out, avant un week-end bien chargé.
On avoue ne pas avoir toujours bien compris où allait le Ronquières festival. Du moins en termes de programmation – Louane et dEUS sur la même affiche (en 2022) ? Ken Ishii et Benjamin Biolay (cette année)? OK. Mais force est de constater que la formule fonctionne. L’an dernier, le festival s’étendait pour la première fois sur trois jours, et affichait complet (attirant quelque 65.000 personnes au total). Ce qui l’a poussé à agrandir le site. Si les conditions météo ne se dégradent pas trop, il ne devrait pas avoir trop de mal à se remplir d’ici dimanche…
Vendredi, en tout cas, il a déjà fait le plein. Pour cause : en s’assurant la venue exclusive d’Indochine, le festival mettait la main sur le genre de groupe qui vous assure un sold out quasi à lui tout seul (pour la journée de vendredi, mais aussi les pass trois jours). A Ronquières, le groupe bouclait en outre sa tournée des festivals. Elle fait suite au Central Tour, organisé l’an dernier, pour les 40 ans de la formation : une petite dizaine de dates françaises, uniquement dans des stades…
Pas de grande arène donc cette fois. Mais un site – celui du Plan incliné – qui, même rendu glissant et par endroits particulièrement boueux, reste spectaculaire et particulier. Comme la trajectoire d’Indochine, au fond.
Les guerres d’Indochine
Sur le coup de 22h, après une longue intro techno-indu, le groupe français arrive ainsi sur scène. En ombre chinoise, sur fond rouge. Mais quand la caméra s’allume, c’est bien sur le public que l’énorme écran, occupant toute la largeur, commence par s’attarder. « Je suis comme une histoire et qui n’en finira pas », chante Nicola Sirkis, dans Nos Célébrations. Publié en 2020, le single marquait en effet un parcours musical hors du commun. Par sa longueur (plus de 4 décennies donc). Mais aussi son côté atypique. « Mais qui nous a fait croire que l’on y arriverait pas? », continue le Dorian Gray de la pop française, dont la carte d’identité lui donne aujourd’hui 64 ans.
De fait, Indochine a connu des hauts et des bas. Nicola Sirkis ne manque jamais de rappeler qu’après les premiers tubes XXL des années 80, il a fallu batailler contre une industrie et des médias qui ont voulu un peu trop vite les ranger au rayon tricards. Ce récit d’un groupe « antisystème » seul contre tous, maintenu à flots par un public fidèle, Indochine l’a longtemps martelé. Mais aujourd’hui, on n’en est plus vraiment là. Il s’agit moins de prendre sa revanche que de savourer la popularité d’une discographie qui parle désormais à plusieurs générations.
Tubes à la pelle
Comment l’expliquer ? Cela fait des années que les uns et les autres se cassent les dents sur la question. Et ce n’est pas évidemment pas ce vendredi, à Ronquières, qu’on allait avoir de grandes révélations à ce sujet. Bien sûr, le romantisme post-ado, et le floutage emo des genres (bien avant le « vague » queer actuelle) qui l’a accompagné, ont joué. Mais le vrai mystère est de savoir comment Nicola Sirkis réussit encore et toujours à les incarner.
Il y a également le name dropping littéraire/BD et les références (à défaut de prise de position) politiques. Sur l’écran géant, les visages de Trump, Poutine, Bachar el-Assad, Xi Jiping, etc. se succèdent avant Les tzars, tandis que dans le fond de la scène, une écharpe Ukraine a été déposée sur un ampli. En tout début de concert, Indochine place également Un été français qui, dans le climat actuel, prend forcément un relief particulier. Mais à nouveau, l’idée de la soirée est d’abord de célébrer. Avec un concert de près de deux heures, un light show aussi précis que batailleur. Et une setlist en forme de best of.
Intergénérationnel
Elle est donc sans grande surprise. Par contre, elle permet de réaliser à quel point Indochine a réussi manœuvrer à travers les époques et les genres. Il peut ressortir les tubes pop-new wave des années 80 (Canary Bay). Y compris ceux qui lui ont valu à l’époque d’être caricaturés – Miss Paramount, 40 ans cette année. Et enchaîner sans sourciller avec les humeurs metal de Punker, ou le copycat assumé de Marilyn Manson. Il faudra bien un jour aussi penser à réhabiliter Le Baiser, flop à sa sortie, mais qui contient parmi les plus belles réussites du groupe, comme Punishment Park ou le morceau-titre.
Certains titres moins évidents refont également surface. « Cela fait des siècles que l’on n’a plus joué ce morceau », annonce Nicola Sirkis avant Le manoir, tiré du blockbuster Paradize. Et de fait, on comprend mieux pourquoi, tant il tombe un peu à plat. Pas grave. Sur la plaine détrempée, Indochine glisse mais ne tombe pas. Derrière, il a encore quelques grosses cartouches pour rattraper le coup. Après avoir osé une reprise du Poker Face de Lady Gaga (même pas peur), Nicola Sirkis lance Trois nuits par semaine.
Dans la dernière ligne droite, il enfonce le clou avec Des fleurs pour Salinger, la scie J’ai demandé à la lune, et L’aventurier (citant Love Will Tears Us Apart de Joy Division). Trois tubes étalés sur trois décennies différentes (80, 90, 2000). Avant de quitter la scène, Indochine reprend encore le You Spin Me Round (Like A Record) de Dead or Alive. « Tu me fais tourner en rond, comme un disque », en anglais dans le texte. En l’occurrence, celui d’Indochine, qui a prévu un nouvel album d’ici la fin de l’année, n’a pas fini de tourner…
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