On a assisté au concert de Lomepal à Dour : corps de rockeur, cœur de rappeur
Vendredi soir, Lomepal a livré l’un des concerts les plus rassembleurs du festival, attirant la grande foule pour assister à sa mue rock.
Si tout concert est censé dessiner une courbe – voire un arc narratif, oui, monsieur -, alors celle du show de Lomepal est limpide. Elle suit celle de son look. Sur la main stage de Dour, la tête d’affiche du jour est arrivée en veste en daim/lunettes fumées. Qu’il a tombée après deux morceaux, pour continuer en chemise noire. Avant de passer au marcel de la même couleur, pour terminer finalement torse au vent. En termes d’intensité, Lomepal se pose. Certains y verront même une forme de mise à nu. De cela, par contre, on en est moins sûr..
Le Parisien l’avait lui-même expliqué à la sortie de son dernier album, Mauvais ordre. Lassé de parler de sa tronche, Lomepal a décidé de prendre de la distance avec ce qui ressemblait parfois à une thérapie en direct. A la place, il s’essaie à une écriture moins personnelle, empruntant davantage à la fiction. Une manière de relancer la plume. Et peut-être aussi, un peu, de se protéger. Au passage, cela lui a permis d’endosser également le costume de l’un de ses personnages favoris : celui de rockeur. Il n’est évidemment pas complètement neuf, pour celui dont l’un des premiers « tubes » faisait déjà référence à Janis Joplin. Mais désormais, le pli est pris.
Ticket rock
En 2018, lors de son dernier passage à Dour, Antoine Valentinelli de son vrai nom était encore ce rappeur-rider, accompagné de ses potes. Désormais, il faut le voir débarquer sur scène, avançant lentement en contrejour, tel un lonesome cowboy, alors que le riff de guitare twangy d’Auburn électrise le public. This is the way, chante le French Julian Casablancas… Il est entouré d’un vrai groupe. Un « gang », en formation guitare-basse-batterie-claviers, pour appuyer encore un peu plus la mue. Juste derrière, sur 50°, le batteur (Aymeric Westrich) a beau faire sonner par exemple ses hit hat comme ceux d’un beat trap, la tension recherchée est bien celle d’un combo électro-rock. Plus loin, pour Etna, Lomepal monte sur les échafaudages métalliques, s’agitant et s’ébrouant frénétiquement : la mèche des premiers pogos est allumée.
« Mets-moi dans n’importe quel corps, je trouverai le moyen de remplir un stade », chante Lomepal dans 50°. De fait, en se rapprochant du rock, il a réussi son coup. Au moment où la vague rap donne parfois l’impression de se tasser, lui a encore gagné en popularité. Après deux Palais 12 en février dernier, il en a annoncé un troisième (le 4 novembre). Mais, à Dour, pour tout ce que Lomepal a gagné, on a aussi pu voir ce qu’il avait parfois perdu ou délaissé en route.
Pertes et profits
Il y avait par exemple un côté rafraîchissant à voir débouler un rappeur maquillé en femme (la pochette de FLIP). Là où aujourd’hui, Lomepal enchaîne les poses viriles au milieu de son boys club. Surtout, il y a quelque chose de décalé à vouloir incarner la figure de la rock star, au moment où celle-ci n’a jamais semblé autant tourner à vide – même quelqu’un comme Alex Turner (Arctic Monkeys) se sent obligé de jouer le second degré, avec sa dégaine à la Elvis. Et puis, faut-il rappeler, le rap français est le 2e plus important au monde, après la version originale américaine. Mais le rock français ? dans sa version mainstream, il n’a pas souvent été autre chose que de la variété à guitares…
Il y en a d’ailleurs, de la variété, dans l’approche de Lomepal. Et, à vrai dire, cela lui va plutôt bien. Une chanson comme Trop beau, par exemple, a montré à nouveau qu’elle était bien l’une des plus belles (murder) ballades françaises de ces dernières années. Et Yeux disent reste toujours l’un des moments forts du concert. Dans la dernière ligne droite, la star du soir se lance encore dans une version particulièrement sombre de Decrescendo : il y a du panache dans les crash amoureux de Lomepal. Parce qu’« on ne peut pas se quitter sur un morceau aussi dramatique », il dégaine encore Tee. L’occasion d’un bain de foule dans la fosse, et d’aller chercher ses potes en coulisses pour participer à la fête. Corps de rockeur, mais cœur de rappeur malgré tout.
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