« Développement personnel »: Olivier Bourdeaut face à lui-même dans son nouveau roman
Olivier Bourdeaut, éditions Finitude
Développement personnel
176 pages
Après le succès critique et public de En attendant Bojangles en 2016, Olivier Bourdeaut n’épargne rien ni personne et surtout pas lui dans le drôle, touchant et autobiographique Développement personnel.
S’il y a bien un terrain sur lequel on n’attendait pas Olivier Bourdeaut, c’est celui de l’autobiographie. L’écrivain français avait jusque là signé trois romans: En attendant Bojangles, Pactum salis et Florida. Trois récits aussi singuliers que différents tant dans le style que dans le fond. Avec sans doute un regard particulier sur l’existence, non dénué d’acidité et de mordant. Mais de là, à bientôt 44 ans (le 3 juillet prochain) à s’embarquer dans un récit où le romancier est son propre personnage, il y avait de quoi être dérouté. Point d’ego trip dans Développement personnel, titre joliment ironique de l’ouvrage en question.
Dès le départ, Olivier Bourdeaut y confesse une panne sèche d’inspiration. L’imagination est en berne! Il se fait violence et embarque pour Ibiza, dans un cabanon, histoire de rallumer la chaudière. L’auteur se retrouve seul et, très vite, comme un couillon devant son ordinateur. Petit à petit, Olivier parvient pourtant à articuler un récit fait de déambulations et de pérégrinations personnelles pour finalement arriver à nous émouvoir avec drôlerie et tendresse aussi.
Sans rien déflorer, parce que l’intéressé n’en fait aucun mystère, Olivier a grandi en étant persuadé d’être « la dernière des merdes« . « J’ai eu la certitude d’être une merde pendant les 36 premières années de ma vie, lâche-t-il (quasi) d’emblée. Jusqu’à la sortie de En attendant Bojangles et encore. Le livre a mis trois ans avant d’être publié et ce n’est pas parce que des gens me disaient que mon livre était formidable que je n’avais pas un problème de confiance en moi. À l’école, on me disait que j’étais une merde. À la maison, mon père me disait que j’étais une merde et comme j’ai tendance à être influençable… » Les violences et humiliations dont fut victime le futur écrivain sont le terreau de Développement personnel. Et le lecteur se laisse emmener au fil des pages comme autant de circonvolutions autour de ses foirages familiaux, scolaires, amoureux et professionnels.
Olivier Bourdeaut, grâce à Tonton
Est-ce qu’écrire Développement personnel a permis à Olivier Bordeaut d’être plus tolérant envers son paternel? Est-ce que, sans doute plus que tout, le point final à son quatrième « roman » a débloqué quelque chose au niveau d’une inspiration mine de rien grippée? « Pour l’inspiration, je n’en ai aucune idée, répond simplement Olivier Bourdeaut. En ce qui concerne mon père, ça fait longtemps que j’ai décidé de tout pardonner. Et de ne rien oublier. C’est un geste égoïste parce que je ne voulais pas être à la place de celui qui pleure devant une pierre en granit et qui a des regrets jusqu’à la fin de ses jours puisqu’il est trop tard pour avoir une discussion. Cette discussion, je l’ai eue quelques années avant sa mort. Je lui ai présenté mes excuses pour tout et n’importe quoi, les mains derrière le dos, lors d’une séance surréaliste. Je l’ai fait pour être en paix tout seul. L’écriture de ce livre m’a-t-elle fait du bien? Je n’en sais rien du tout. Vraiment. Je ne pourrais pas dire que je suis libéré maintenant que j’ai couché sur papier mon ressenti. Par contre, j’étais soulagé que ça soit aussi drôle à l’écrit qu’à l’oral. C’est assez sympa d’être le marionnettiste de soi-même. Ça me fait plaisir que certaines personnes trouvent le livre hilarant. Ces histoires, je les ai racontées en soirée, ivre. Mais à l’écrit, ce n’est pas la même dynamique. Il n’y a que des mots. Il faut trouver le rythme, sans perdre le fil. Le but de ce livre était de transformer des expériences de merde en farces, en histoires plaisantes et en sautillements. Effectivement, j’ai sautillé une partie de ma vie. C’est vrai que j’ai toujours essayé d’amuser la galerie plutôt que de la faire pleurer parce que ça met les problèmes à distance. »
Cette dernière phrase fait écho à ce que notre interlocuteur du jour, volubile et charmant, concède le plus naturellement du monde quasiment à la fin d’une heure d’entretien: « Quinze jours avant que ne je parte à Ibiza, ma mère, qui était au courant de mes problèmes d’inspiration, m’a dit: « Mais pourquoi tu n’écris pas sur la vie? Tu es tellement drôle quand tu la racontes. « À l’époque, j’étais plus proche d’écrire un mode d’emploi pour un micro-ondes qu’un nouveau roman. J’ai haussé les sourcils et les épaules comme un adolescent. Vous pensez être un adulte et en dix secondes, vous redevenez un ado. J’ai eu petite une montée parce que j’ai senti que ma mère avait semé une petite graine. » Au-delà du kick maternel et en remontant le temps, c’est d’ailleurs ce que raconte l’auteur dans Développement personnel, son destin n’aurait emprunté la même voie si François Mitterrand n’était pas devenu président le 21 mai 1981. « Ce n’est pas de la faute à Tonton mais plutôt grâce à lui. Le bilan positif pour moi, et Mitterrand est mort sans le savoir, c’est que son élection a fait disparaître la télévision de mon foyer. Ce qui m’a obligé à faire deux choses: lire énormément et m’ennuyer beaucoup. Les deux sont les mamelles indispensables à l’écriture d’un texte. »
Que retient l’auteur de cette plongée introspective? « J’ai arrêté d’écrire pendant un an et demi et c’est beaucoup trop long. Je ne dois pas laisser cette imagination se dessécher plus de trois mois. Je le sais sans savoir le verbaliser qu’il y a une espèce de muscle de l’écriture et que plus on écrit, plus on a envie d’écrire…«
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