Nakhane: « L’Apartheid reste une plaie ouverte qu’il faut encore nettoyer »

© ETIENNE BECK
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Aux portes d’une notoriété internationale, le Sud-Africain Nakhane ose les hymnes électropop intimistes, appuyant là où ça fait mal. À voir dimanche aux Nuits Bota.

Qu’est-ce qui vous amène un jour à devenir artiste? Nakhane s’en souvient bien: il avait sept ans quand il a fait son choix -l’âge où, ballotté d’un parent à l’autre, il a finalement été adopté par sa tante. « J’en avais marre d’être baladé en permanence, je voulais qu’on me garde. Alors je faisais tout pour retenir l’attention: je chantais, je dansais, etc. C’est pour ça que la musique signifie autant pour moi. »

Né en 1988, Nakhane Mahlakahlaka a grandi à Alice, petite ville de la province d’Eastern Cape, en Afrique du Sud. Voix éraillée mutant en falsetto androgyne dès qu’elle se met à chanter, Nakhane a le verbe lent, le regard intense. Derrière ses traits délicats, il y a un combattant. Il vient de sortir son second album, You Will Not Die. Produit par Ben Christophers (Bat For Lashes, Françoise Hardy), il oscille entre la dramaturgie queer d’un Perfume Genius, l’électro d’un Marc Almond et la théâtralité d’un Benjamin Clementine. Si la lumière y est tranchante, c’est pour mieux révéler les zones d’ombre, éclairer ce qui tourmente. « Mais il y a de l’espoir, rigole l’intéressé. C’est ce dont parle le titre. Je l’ai tiré d’un proverbe de Salomon dans la Bible. C’est l’idée que vous pouvez avoir une vie chaotique, vous n’allez pas forcément en mourir. Vous allez peut-être en garder des cicatrices, mais vous allez guérir. »

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Longtemps, la religion a occupé une place importante dans la vie de Nakhane. Jusqu’à ce qu’il réalise à quel point elle réprimait son homosexualité, longtemps refoulée. « Aujourd’hui, j’ai quitté le christianisme. L’Église m’empêchait de vivre. » Également acteur, Nakhane a joué l’un des rôles principaux de The Wound, film sud-africain racontant une histoire d’amour gay, sur fond de rite d’initiation au sein de la communauté Xhosa (la deuxième plus importante du pays). Interdit aux moins de 18 ans, le film a créé la polémique, déclenchant injures et menaces de mort. Pour autant, Nakhane refuse de trancher entre son homosexualité et la tradition. « James Baldwin a écrit que l’on a le droit d’avoir des désaccords, tant que ça n’empêche pas d’être soi-même. Je suis né dans cette culture, elle m’appartient, je veux la protéger, mais aussi la faire évoluer. »

Nakhane:

On a longtemps cru qu’avec l’Apartheid, d’autres barrières étaient tombées. « Tout ce qui était détestable devint aimable » , y compris l’homosexualité, longtemps taboue, écrivit même la prix Nobel de littérature Nadine Gordimer. Force est de constater que ce n’est pas encore tout à fait le cas. « Pour être honnête, j’ai un problème avec Gordimer. Ou Coetzee. C’est comme s’ils attendaient que les Noirs les félicitent pour le fait qu’ils n’étaient pas racistes ou homophobes. Non, désolé, vous avez juste agi normalement. Je ne vais pas vous faire un high five juste parce que vous vous comportez comme un être humain… Le fait est qu’aujourd’hui, les Noirs continuent d’être à la traîne économiquement, d’habiter dans des townships où ils se font tuer tous les jours. L’Apartheid reste une plaie ouverte qu’il faut encore nettoyer. Et c’est douloureux. »

Nakhane, You Will Not Die, distr. BMG. ***(*)

En concert le 29/04, aux Nuits Bota, avec Témé Tan et Esinam.

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