LA BLONDE ET NOUS – MICHELLE WILLIAMS VIBRE À L’UNISSON DE MARILYN POUR TRANSCENDER UN BIOPIC PAR AILLEURS PLUTÔT CONVENU ET L’EMMENER EN DE TROUBLANTS RIVAGES, TOUCHÉS PAR LA GRÂCE.
DE SIMON CURTIS. AVEC MICHELLE WILLIAMS, KENNETH BRANAGH, EDDIE REDMAYNE. 1 H 39. SORTIE: 07/03.
Il y a 2 films dans My Week with Marilyn. Le premier est un biopic plutôt convenu, voire même pataud, inspiré des mémoires de Colin Clark. Ce dernier y raconte comment, jeune homme timide et 3e assistant sur The Prince and the Showgirl, film réalisé par Laurence Olivier qui y donnait la réplique à Marilyn Monroe, il se retrouva, l’espace d’une semaine, confident et plus encore de la star américaine. Débarquée en Angleterre en 1956 pour y donner un nouvel éclat à sa carrière, et échapper à l’image de blonde écervelée à laquelle la vouait le cinéma hollywoodien, Miss Monroe se révèle conforme à sa réputation de star ingérable. Jusqu’à épuiser sa garde rapprochée comme son partenaire, un Olivier qui ne cherche même pas à dissimuler sa lassitude méprisante. Clark est le témoin attentif de leurs échanges; un coup de pouce du destin va l’expédier aux premières loges, dans l’intimité de l’actrice, trop heureux de l’aubaine.
On le serait à moins, et c’est pour ainsi dire un conte de fées que nous sert là Simon Curtis, sans guère d’inspiration ni, a fortiori, de génie cependant. Tout, de la mise en scène illustrative au recours occasionnel à une voix off plombée, suinte le téléfilm, à charge pour un casting de luxe de donner le change: il y a là Kenneth Branagh, Toby Jones et autre Julia Ormond, qui encadrent Eddie Redmayne.
Le miracle a un visage
On a beau se trouver en fort bonne compagnie, cette semaine avec Marilyn semble partie pour s’éterniser au-delà du raisonnable lorsque, insensiblement, un autre film commence. Lequel, arpentant la relation qui rapproche Colin Clark et Marilyn Monroe, va aussi accéder à une nouvelle dimension. Le miracle qui s’opère alors a un visage, celui de Michelle Williams. Entre l’actrice de Blue Valentine et la star de Sept ans de réflexion, le rapport tient plus de la ressemblance subjective que du strict mimétisme dont sont généralement taillés les biopics. Et c’est tant mieux, son interprétation étant moins question d’imitation un peu vaine que d’une vibration indéfinissable -celle qui lui permet d’évoluer à l’unisson du trouble qui émanait de Marilyn (lire aussi page 14). A peine la retrouve-t-on installée sur un sofa, désarmante, le temps d’une scène inoubliable, que l’emporte le sentiment de s’inviter dans une intimité où le charme, ravageur, se voile d’insécurité et d’une tristesse confinant au désespoir.
Williams a le regard qui ouvre sur des abîmes; avec elle, ce n’est pas tant l’image de Marilyn qui est dupliquée que son âme qui est révélée. Dans la foulée, c’est le film tout entier qui se trouve transporté par une grâce fragile. Et si Simon Curtis ne peut s’empêcher de retomber dans ses travers décoratifs pour refermer My Week with Marilyn aussi platement qu’il l’avait entamé, demeure une sensation persistante -comme si l’émotion avait débordé du cadre de l’écran pour nous absorber, entre rêve et réalité, en un moment d’une rare et précieuse intensité. l
JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS
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