YouTube fête ses 20 ans. Retour sur l’histoire d’une plateforme vidéo plus populaire que jamais, en sept moments clés. Cette semaine, comment un one-hit wonder des années 1980 a participé au plus grand canular du Net.
Tomber dans le piège peut arriver à tout le monde. Intrigué par un lien, on clique en pensant atterrir à un endroit. Sauf qu’au lieu du site Web attendu, on se retrouve face à un chanteur rouquin, propre sur lui. Banane gominée, gabardine ouverte sur un pull à col roulé noir, il chante à tue-tête «Never gonna give you up, never gonna let you down!». La chanson est une vieille scie des eighties. Le chanteur s’appelle Rick Astley. Et l’on vient de se faire «rickroller».
Rappel des faits. Au milieu des années 1980, Rick Astley n’est encore qu’un assistant de studio, réservé, presque timide. L’apprenti batteur/chanteur a quitté l’école à 16 ans pour tenter sa chance dans la musique. Repéré par le trio de producteurs Stock-Aitken-Waterman, machine à tubes qui domine alors les charts pop (Mel & Kim, Bananarama, etc.), Astley attend sagement son tour. Il viendra en 1987. Au milieu de l’été, sort le single Never Gonna Give You Up. En quelques semaines, il atteint le sommet du hit-parade britannique, avant de se répandre un peu partout, comme une traînée de poudre. Le carton est planétaire. Il lancera la carrière de Rick Astley. Pour aussi vite l’étouffer. Malgré trois albums, le chanteur est sans cesse renvoyé à son tube initial. En 1993, à 27 ans à peine, il décide de raccrocher, bien décidé à ne plus entendre parler de Never Gonna Give You Up. C’était évidemment sans compter sur Internet. Pour cause: l’année où Astley enregistre le morceau, 10.000 ordinateurs à peine sont connectés, le premier nom de domaine français vient seulement d’être déposé, et le World Wide Web n’est encore qu’une chimère.
Rick Astley finira par en rire, et même en jouer.
Vingt ans plus tard, c’est une autre affaire. La Toile est devenue le nouvel Eldorado, terre de tous les possibles. Incarnant une certaine utopie, elle n’est pas encore devenue cet ogre toxique, en recherche permanente d’attention. En revanche, elle est déjà une farce. En mars 2007, un utilisateur du forum 4chan, Shawn Cotter, poste un lien, censé renvoyer vers la bande-annonce du dernier volet de la franchise de jeu vidéo Grand Theft Auto. Les fans seront déçus: à la place, ils sont redirigés vers une vidéo YouTube de Never Gonna Give You Up…
Shawn Cotter n’est évidemment pas le premier troll du Net. Pas plus que le «Rickroll» n’inaugure la culture du mème, déjà bien présente à l’époque. Cependant, en passant par YouTube, le «canular» lui donne une nouvelle dimension, augmentant toujours plus sa viralité. Le 1er avril 2008, la plateforme vidéo elle-même piégera ses utilisateurs –alors que le clip officiel du morceau ne sera publié qu’un an plus tard. D’abord circonspect devant le phénomène, le principal intéressé finira, lui, par en rire, et même en jouer.
Aujourd’hui, le Rickroll est devenu une pièce à part dans le musée du Net. Mais reste encore et toujours utilisé. Il suffit de taper le mot sur le Net pour tomber sur des compilations de réactions de Youtubers/Twitchers pris au «prank». Comme quoi, un peu comme la tarte à la crème, il est certaines blagues dont on ne se lasse pas…