Yoa : «On ne peut pas échapper à une bonne chanson pop»

Yoa vient de sortir son premier album, La Favorite.
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Nommée deux fois aux Victoires de la musique (ce soir, sur France 2), Yoa vient de sortir La Favorite, un premier album de bedroom pop terriblement attachant.

Les cérémonies de prix, c’est un peu comme la compo d’une équipe nationale de football: tout le monde a son avis sur la question. Et ils sont rarement unanimes. Prenez les Victoires de la musique. Lancée il y a 40 ans, le 23 novembre 1985, la cérémonie n’a cessé d’évoluer. En devenant rapidement incontournable, mais sans jamais réussir non plus à étouffer les critiques –«déconnectée» pour les uns, trop «mainstream» pour les autres. Malgré cela, la cérémonie reste une mise en lumière incontournable. Notamment pour les jeunes artistes, comme Yoa. Nommée dans deux catégories – révélation féminine (avec Solann et Styleto) et révélation scène. Elle vient également de sortir son premier album, intitulé La Favorite.

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Générationnel (et fier de l’être), il est raccord avec une certaine jeunesse à la fois conquérante et cabossée. Des «zoomers» rêvant «sans jamais y croire» (Sad Girl), passant autant de temps à ruminer leurs failles (Nulle) qu’à les célébrer (Princesse chaos). Et dans tous les cas, bien décidés à ne plus cacher la poussière sous le tapis. Qu’il s’agisse de s’ouvrir sur la dépression, l’anorexie (2013), ou les violences sexuelles (Le Collectionneur).  Décomplexée, fluide, La Favorite l’est aussi bien dans les texte que dans la musique –de la dance de Mes copines au rythme reggaeton kinky de Tu veux me?. Avec pour fil rouge une pop post-Billie Eilish catchy et légèrement déviante où, sous la voix vaguement dilettante, se planque une tonne d’émotions en vrac.  

En toute indépendance

A la base, Yoanna Bolzli se voit pourtant d’abord sur les planches. Elle a d’ailleurs joué dans Régime soupe aux choux: mode d’emploi, une «petite histoire du féminisme contemporain», écrite et montée avec une autre camarade ­(Léa Goldstein). Pendant la pandémie, elle est cependant rattrapée par la musique. Confinée, elle se met à pondre ses premiers vrais morceaux. «J’ai toujours fait beaucoup de choses, mais la musique est un peu le seul endroit où j’ai le contrôle sur à peu près tout. Que ce soit l’aspect purement créatif –l’écriture, les clips, la danse, l’image, etc.– ou même administratif, parce que j’ai fait en sorte de gérer aussi tout le côté business.» Yoa a en effet monté sa propre structure. Une manière d’éviter les pièges d’une industrie vorace. «Il y a quand même beaucoup d’exemples, a fortiori dans la pop, de chanteuses qui ont été manipulées ou qui n’avaient simplement pas le contrôle. Parce qu’à l’époque, il n’y avait souvent pas le choix. Aujourd’hui, avec le streaming, les économies de la musique sont tellement éclatées qu’il faut en profiter pour reprendre la main!»   

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Il y a donc la volonté de redevenir maître de son destin. Mais aussi, devine-t-on entre les lignes, une manière de rationaliser la pratique artistique. Non pas en en enlevant toute la magie, mais en la débarrassant de ses mythes les plus toxiques. «C’est important de préserver le côté un peu sacré de la musique, mais je n’ai pas envie que cela me sorte du monde. J’ai encore souvent l’impression qu’être artiste vous soustrait de pas mal de choses, vous exempte même de rendre des comptes. Ou fait de vous simplement une espèce de grand-bourgeois. Ce qui ne me tente pas vraiment. Même si j’ai grandi dans un environnement qui s’en rapprochait pas mal…»

Chanson contrariée

Née en 1998, Yoa a en effet grandi principalement dans le très cossu 6e arrondissement. Sans venir pour autant elle-même d’une famille fortunée. Elle est la fille d’un père suisse «originaire d’un milieu rural assez pauvre» et d’une mère camerounaise «issue de la classe moyenne» de Yaoundé. Les deux «se sont rencontrés sur la piste de danse des Bains Douches». Musicien, le papa est tour à tour ostéopathe, producteur de films, etc. «Comme mes parents sont un peu zinzin, on habitait souvent dans des appartements au-dessus de nos moyens.» C’est plus tard, en discutant avec ses camarades de classe bien nés, qu’elle se rend compte que tout le monde n’a pas droit aux visites régulières d’huissier«Malgré cela, nos parents nous ont toujours encouragées, ma sœur et moi, à faire des activités extrascolaires ou culturelles.»

La musique (et la danse) tiennent une grande place dans le foyer. Avec un penchant pour la pop américaine à grand spectacle, «Beyoncé, Rihanna, etc.». Et la chanson française? «Pas trop. Je n’ai vraiment commencé à creuser que récemment.» Sur son morceau Les Grandes Chansons, Yoa explique: «Les grandes chansons d’amour françaises/Me font toujours pleurer/Parce qu’elles ne parlent jamais de nous»… «J’ai en effet souvent l’impression que ces chansons n’ont pas été écrites pour moi, que c’est compliqué de m’y retrouver, de m’y identifier. Même physiquement, je ne connais pas de chanteurs ou chanteuses qui me ressemblent…»

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Pour autant, Yoa ne rejette pas toute influence made in France. «Ado, j’ai fait mon éducation musicale un peu plus « sensible » avec des chanteuses et chanteurs français contemporains et plus « indé ».» Des gens comme ­Flavien Berger, Odezenne, etc. Sur 2013, elle avoue encore: «J’écoute Soko», la première à lui parler d’une sexualité queer.  Plus loin, Princesse chaos a été coécrit avec Olivia Merilahti, la moitié de The Do«la première fois que l’on s’est croisées dans un camp d’écriture, j’étais trop intimidée pour aller lui parler».

Pop life

Ajoutez à cela, un goût pour une certaine simplicité pop –«avec l’idée qu’on ne peut pas échapper à une bonne chanson pop. Un tube comme Expresso a beau ne pas être mon morceau préféré de Sabrina Carpenter, c’est impossible de ne pas y succomber». Le tout porté par une écriture mélangeant ambiguïtés (sa manière de changer régulièrement de point de vue) et vocabulaire cru –le texte très explicite de Chanson triste, sur son deuxième EP. Et Yoa pourrait en effet rapidement devenir La Favorite du moment.

A l’instar par exemple de sa copine Zaho de Sagazan? A-t-elle d’ailleurs peur de la hype et de son côté éphémère, elle qui est déjà montée sur la scène du Zénith de Paris (en première partie d’Eddy de Pretto) et fait le tour des médias qui comptent (de Quotidien à France Inter, en passant par une capsule Colors)? «Non, pas vraiment. Je dis peut-être ça parce que, jusqu’ici, ça n’a fait que monter. Mais si ça doit redescendre, ça ne m’empêchera pas de continuer de faire de la musique dans mon coin. J’ai vécu tellement de trucs un peu compliqués dans que je sais où est l’important»… ●

Yoa, La favorite, distribué par Panenka. Le 21 mai, au Botanique à Bruxelles

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