Vaague à l’affiche du festival Fifty Lab: «J’avais envie de pouvoir être un groupe à moi tout seul».

Solo derrière la batterie, Antoine Pierre, alias Vaague, ramène le jazz dans le club. © Alice Khol
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Du 13 au 15 novembre, à Bruxelles, le Fifty Lab va jeter un œil sur la scène musicale émergente. Illustration avec Vaague, le one man show du batteur Antoine Pierre, qui sort son premier album entre jazz et musiques électroniques.

Ce matin-là, dans un café de Saint-Gilles, Antoine Pierre fait ses comptes. « Sur les quatre dernières semaines, je dois avoir joué huit répertoires différents. » Parmi les projets sur la table du batteur, plusieurs sont bien connus. De son septet Urbex (10 ans cette année) au crossover jazz-trip hop Next.Ape, en passant par sa participation à Taxiwars, le combo jazz de Tom Barman (dEUS). Depuis quelques temps, il faut encore ajouter Vaague. Une échappée en solitaire, qui a d’abord pris la forme de deux EP –Vaague et From The Ashes- pour aboutir aujourd’hui à un premier album. Intitulé Oktopus Mekaniks, il se déploie au croisement du jazz et de l’électronique, traçant une sorte de pont invisible entre Bitches Brew et Kid A, Elvin Jones et Squarepusher. « Cela faisait un moment que j’y pensais. Mais je n’avais pas envie de me lancer dans un solo de batterie un peu free, bruitiste. Ni bosser simplement avec des loops. J’avais envie de pouvoir être un groupe à moi tout seul. Une sorte de one-man band. »

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Entre deux sorties en groupe, Antoine Pierre a longtemps cherché la bonne formule. En branchant par exemple ses fûts sur des pédales d’effets -« c’était cool, mais pas vraiment abouti ». Ou en rajoutant des claviers sur le côté -« mais je ne suis pas assez bon claviériste, et cela devenait anecdotique ». Et puis, en 2018, il découvre une vidéo YouTube. « Des mecs qui avaient créé des sortes de capteurs posés sur les éléments de la batterie, qui donnaient des résultats assez dingues. Mais la vidéo devait compter peut-être 3 700 vues… Je me suis dit que si c’était si bien que ça, elle aurait été vue par plus de monde… » Intrigué, Antoine Pierre met quand même 50 euros dans le crowdfunding, « histoire de recevoir les updates ». Jusqu’au jour où il tombe sur une capsule du batteur du groupe expérimental Son Lux, qui explique utiliser la technologie en question, Sensory percussion. « Il montrait comment, en tapant sur la caisse claire, il pouvait créer une réverb’. Et la diminuer, en se rapprochant du bord. » Même chose avec des sons de piano, ou de basse, etc. « C’était ce qui me fallait! » Quand le covid arrive quelques mois plus tard, il profite de cette pause forcée et s’immerge dans la technologie. Sans tutos, ni mode d’emploi. « Aujourd’hui, je la maîtrise. Je peux improviser comme je veux en concert, avec une richesse sonore inégalée. Ce qui reste très important pour moi. Bien sûr, j’aurais pu me contenter de jouer sur des bandes, et le public aurait d’ailleurs peut-être aussi adoré. Mais avec ce système, au-delà du challenge un peu geek de tout vouloir créer en live, je sens bien que cela crée une implication différente. »

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Zone d’inconfort

Comme à l’automne 2023, lors du mini-festival Sans allure, à Liège, du côté de Saint-Léonard. « C’était forcément un peu particulier. Parce que cela reste l’endroit où j’ai grandi. Et puis, le public y est assez impitoyable. S’il n’accroche pas, il va vite te le faire comprendre. » Ce soir-là, après un rappeur(Shaka Shams) et un groupe punk (Gros Cœur), Antoine Pierre se jette à l’eau en ne testant que des nouveaux morceaux, imaginés quelques jours plus tôt. « On était à ce stade de la soirée où je sentais que le public avait encore faim, qu’il avait les yeux imbibés de sang à attendre la suite » (rires). De fait, au troisième morceau, « les gens ont commencé à danser. À partir de là, c’est parti en cacahuète jusqu’à la fin. C’est là que je me suis dit « ok, là, il y a un truc à faire ». »

Un album, par exemple. Comme à chaque fois, Antoine Pierre a enregistré le concert -« J’archive tout!« . Sur cette base, il va rentrer en studio pour retravailler et enregistrer les morceaux. Soit une dizaine de titres à l’esprit jazz mais aux couleurs électroniques, entre techno et drum’n’bass. « Comme avec le jazz, j’ai dû remonter le fil de ces musiques. En écoutant plein de références, en lisant des interviews, etc. J’ai aussi lancé une série de reprises sur Instagram, intitulée Reworks (d’Aphex Twin, Luke Vibert, DJ Rashad, etc., NDLR). J’avais besoin de ça. Parce que même si, techniquement, je pouvais les jouer, c’était important de me sentir légitime. »

Avec Vaague, Antoine Pierre est donc le one-man band qu’il a toujours voulu être. Un batteur-orchestre assis derrière ses fûts, déployant ses membres pour commander et façonner les sons. Telle une… pieuvre, comme le suggère le titre de son album, Oktopus mekaniks. « Un jour, quelqu’un m’a dit en effet que je ressemblais à un poulpe, parce qu’il se passe plein de trucs quand je joue. Cela peut donner l’impression que j’ai des bras ou des jambes en plus, qui partent dans tous les sens. Cela devient presque comme une chorégraphie. » Ce n’est pas la seule référence. Quand Antoine Pierre se renseigne sur la vie du céphalopode, il découvre le film La Sagesse de la pieuvre, sur Netflix. Le documentaire raconte comment le plongeur sud-africain Craig Foster réussit à tisser une relation avec un poulpe. « Cette histoire m’a fasciné. On comprend par exemple que le poulpe est un animal qui veut toujours découvrir ce qu’il y a ailleurs. Il sort tout le temps de sa zone de confort pour explorer de nouveaux territoires. Et puis, malgré le fait que ce soit un animal solitaire, il arrive à collaborer avec d’autres espèces. Forcément, cela me parle. »

Vaague, Oktopus mekaniks ****, distribué par Shapes No Frame.

En concert le 13/11, au Fifty Lab

Fifty Lab, festival à têtes chercheuses

Du 13 au 15 novembre, à Bruxelles, le Fifty Lab invite une dizaine de festivals -du Sonar barcelonais au We Love Green parisien, en passant par le Micro liégeois ou le Left of the Dial hollandais- à programmer ceux qui feront la pop de demain. Depuis le lancement de l’événement, en 2019, Erika De Casier, Gabriels, Meskerem Mees, Loverman sont par exemple passés par là. Cette année, ce sont pas moins d’une soixantaine d’artistes émergents, qui seront programmés, dispersés entre cinq lieux de l’hypercentre bruxellois (AB, Beursschouwburg, etc.). De la bedroom pop de l’Anglaise Amie Blu au nouveau projet de Julie ‘Juicy’ Rens, en passant par le pub rock des Anglais de Canned Pinneapple ou le spiritual jazz de Ganavya.


Canned Pineapple
© DR

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