Une semaine plus tard: Neil Young hors-course – Joe Rogan dans le fossé – Spotify le moteur en flammes
En seulement une semaine, ce qui a commencé comme une petite ronchonnade de Neil Young envers Joe Rogan et Spotify s’est transformé en lutte intersectionnelle massive forçant le podcasteur à 2 justifications publiques en 6 jours tandis que la firme plongeait en bourse. Crash Test S06E20: ça ne rigole plus du tout et cette fois, on serait bien incapable d’en prévoir la suite!
La semaine dernière encore, il n’y en a quasi eu que pour Joe Rogan, Neil Young et Spotify sur les réseaux sociaux et dans les médias. Il m’a d’ailleurs fort amusé que plusieurs des prédictions caricaturales envisagées dans ma chronique de lundi dernier ont finalement réellement eu lieu. Oui, Neil Young a effectivement lancé la tendance de boycotter Spotify chez des artistes et podcasteurs relativement âgés. Oui, Joe Rogan, dans une vidéo de « justifications » sur Instagram, a confondu non pas Neil Young et Bruce Springsteen comme j’en avais rigolé dans ma chronique mais bien Joni Mitchell et Rickie Lee Jones. Et oui, des musiciens plus jeunes, dont le plus remarqué est sans doute Alex Kapranos de Franz Ferdinand, ont profité de la polémique pour marteler que ce n’était pas Joe Rogan le plus gros problème de Spotify mais bien la répartition des royalties et par extension le business-model de la plateforme suédoise. Sur YouTube, le satiriste politique Jon Stewart a aussi rappelé d’autres points forts intéressants, à savoir que Joe Rogan n’était pas un idéologue mais juste un type qui s’intéresse à des idées tordues. Bref, que l’accuser de désinformation planifiée, c’était oublier que ça, c’était surtout le boulot de Fox News, et que les algorithmes de Facebook et Twitter sont en fait aussi drôlement plus efficaces que Joe Rogan pour doper le discours antivax. Bravo, Jon Stewart. Ce que je n’avais pas du tout prévu lundi dernier, c’est donc que cette polémique allait encore enfler plutôt que de se ratatiner au bout de trois jours, comme c’est souvent le cas. Perdre en drôlerie pour gagner en étrangeté mais aussi en force explosive. C’est que là, on n’a plus tellement envie d’en rire. Il se passe peut-être bien quelque chose. De gros. On a le nez dessus, ça évolue vite, ce n’est pas facile à suivre. Il est aussi difficile de prévoir comment ça peut tourner. La semaine dernière, Joe Rogan et Spotify avaient l’air de sortir gagnants de la polémique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ils sont même carrément dans les choux, là.
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Ce weekend, Joe Rogan a en effet lâché sur Instagram une vidéo d’excuses où pour la première fois depuis que je suis un peu le personnage, je l’ai perçu réellement emmerdé, vraiment déstabilisé. Il y a de quoi. Depuis quelques jours tourne en effet sur les réseaux sociaux un montage vidéo qui compile toutes les fois où Rogan a dit au long de sa carrière médiatique ce que l’on appelle aux États-Unis « the N-word ». Autrement dit, le mot « nègre ». Ce qui est évidemment le tabou verbal ultime aux États-Unis, où l’usage du terme par un homme blanc peut torpiller pour de bon des carrières et des réputations. Rogan soutient que le montage décontextualise la plupart de ses interventions et qu’en prononçant le terme, il ne visait jamais quelqu’un en particulier mais citait plutôt un coup le titre d’un album du comédien Richard Pryor, l’une de ses idoles absolues, ou faisait référence aux dialogues du film Pulp Fiction. Reste que ce montage a aussi fait remonter une polémique que Rogan se traîne depuis des années. À la sortie d’un remake récent de La Planète des Singes, il avait en effet raconté dans un de ses podcasts avoir été voir le film dans un cinéma du quartier afro-américain de Philadelphie et que c’était autant La Planète des Singes dans la salle que sur l’écran. Sortie dingue, insensée. Maintes fois, il s’est déjà expliqué au sujet de ce dérapage, s’en est déjà très souvent excusé. Reste que si on peut entendre qu’interviewer Robert Malone, jadis chercheur de pointe sur l’ARN messager curieusement devenu antivax, relève bien d’une conception défendable de l’information et de l’intérêt public, on ne voit pas très bien comment ne pas passer définitivement pour un demeuré total quand on compare un public noir à des singes en plein milieu d’une émission suivie par des millions de personnes, et ce, même après trois joints bien tassés.
Neil Young a u0026#xE9;tu0026#xE9; un du0026#xE9;clic, Joe Rogan devient un catalyseur et lu0026#xE0;, on va droit vers l’explosion
Rogan a une réputation de type à la couenne extrêmement dure. On dit souvent qu’il est « uncancellable », tellement indépendant que la cancel-culture n’a aucune prise sur lui. N’en demeure pas moins qu’il présente des émissions sportives à la télévision, produit un podcast pour Spotify et se fait booker dans de très grandes salles au moment de présenter ses spectacles de stand-up, la plupart ensuite diffusés sur Netflix. Il y a donc, je pense, tout de même moyen de le faire considérablement dégringoler de son piédestal médiatique. D’autant que Rogan n’a pas dit que des conneries sur les Afro-Américains, il en a aussi déblatéré sur à peu près tout ce qui bouge à la surface de cette planète. Ainsi que sur les animaux marins, les extraterrestres et les créatures interdimensionnelles. Bref, si la semaine dernière, on en était juste à Neil Young ronchonnant contre Joe Rogan parce qu’il recevait trop de médecins antivax dans son show, là, on est en train de voir naître un mouvement, #DeleteSpotify, qui n’a déjà plus rien à voir avec ce qui se dit sur le Covid et la vaccination mais se transforme plutôt en lutte intersectionnelle massive où se rejoignent musiciens désireux de gagner plus quand leurs chansons sont streamées, ennemis de la désinformation, mouvements antiracistes, cancel-culture de base, ennemis intimes de Joe Rogan, critiques très fondées, etc. Autrement dit, Neil Young a été un déclic, Joe Rogan devient un catalyseur et là, on va droit vers l’explosion. Encore que l’on serait ce coup-ci bien incapable de prévoir comment ça va tourner en trois moqueries. La seule chose de sûre étant que ça ne va probablement pas se ratatiner en trois jours. Loin de là. Bref, comme le dit souvent Joe Rogan dans ses émissions: « great times to live in! » En espérant tout de même qu’au bout du carnage qui s’annonce, ce soient surtout les musiciens et l’information de qualité qui en profitent le plus!
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