Un clip pour Les Passantes de Brassens pour la Journée des femmes
La réalisatrice des clips d’Angèle, la jeune photographe belge Charlotte Abramow, a réalisé un joli clip très graphique pour Les Passantes de Georges Brassens, qui sort à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Une chanson de Georges Brassens pour marquer la Journée internationale des droits des femmes? Celui-là même qui, sous l’oeil rigolard de ses camarades Brel et Ferré, avait affirmé un jour que « la femme c’est un être charmant quand elle s’en donne la peine; et pénible… sans s’en donner la peine »? Et pourquoi pas Damso pour écrire le prochain hymne des Diables rouges tant qu’on y est? On rigole. La relation de Brassens avec les femmes était évidemment bien plus complexe que l’image de macho qu’il a pu parfois traîner (comme Damso?).
À l’image de Les Passantes, par exemple. Glissé sur l’album Fernande, publié en 1972, il bénéficie aujourd’hui d’un véritable clip. Il a été réalisé par Charlotte Abramow, jeune photographe belge de bientôt 25 ans, responsable des clips des deux premiers morceaux d’Angèle. À l’origine du projet, on trouve l’agence de créatifs Havas et son président Christophe Coffre. « Depuis plusieurs années, il avait cette idée de faire revivre de vieilles chansons françaises mythiques un peu oubliées, explique Charlotte Abramow. Constatant qu’à l’heure actuelle, la musique se consommait beaucoup de manière visuelle pour nos générations, il s’est dit qu’il serait intéressant de donner à de jeunes réalisateur.rice.s l’opportunité d’interpréter visuellement les chansons de l’époque. »
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Pourquoi ce choix des Passantes?
Elle semblait évidente en termes d’actualité pour les femmes et par rapport au harcèlement et à la prise de conscience générale qui s’opère en ce moment. Les groupes Havas et Universal étaient à la recherche d’une réalisatrice afin de lui donner la parole en images et de lui laisser carte blanche.
Connaissais-tu le morceau, et la musique de Brassens en général?
J’adore la chanson française des années 50 à 80… Toute cette période fantastique de mélodies et de paroles mythiques! Je suis une petite fan de radio Nostalgie. J’écoute encore maintenant Michel Berger, France Gall, Véronique Sanson, Brel, Balavoine… De Georges Brassens, je connaissais les grandes chansons bien sûr: Le Gorille, Brave Margot, Les Bancs publics, La Mauvaise réputation… Il y avait des CD chez mes parents et chez les ami.e.s de mes parents. J’associe vraiment la figure de Brassens à mon enfance, à quelque chose d’intergénérationnel, aux parents, grands-parents… Je ne connaissais pas la chanson Les Passantes. Elle est vraiment magnifique, musicalement, et textuellement. Elle a quelque chose de très émouvant. C’est une des rares chansons qui n’a pas été écrite par Brassens. C’est un poème écrit par Antoine Pol en 1911. J’aime d’ailleurs beaucoup cette notion de « poème ». Brassens a mis un bout de temps à en composer la musique, ce que je trouve d’autant plus intéressant en termes de ligne du temps.
Comme se débrouille-t-on pour clipper la chanson d’un artiste qui ne pourra forcément pas apparaître à l’écran?
De base, j’aime assez les clips où les artistes ne sont pas présents. Parfois, une chanson laisse libre cours à une histoire, à des images, sans qu’on ait forcément besoin que l’interprète soit présent physiquement dans le clip. C’est le cas d’un clip que j’aime beaucoup, Lowlands du groupe belge Roscoe. Pour Les Passantes, je me suis vraiment concentrée sur la présence de Brassens qui est la plus forte à mon sens, à savoir sa voix, et sa diction. C’est sur son phrasé que j’ai découpé mes plans et placé mes idées. (…) Je me suis focalisée sur ce que m’inspirait cette chanson, ces paroles, quel écho cela avait en moi par rapport aux femmes et au féminisme. À quelles femmes je pensais sur quelles paroles.
Ton univers visuel est très pop. Comment le combiner avec le morceau d’un tel géant de la chanson française en noir et blanc?
Je trouve justement intéressant de lui donner cette image moderne et rafraîchissante. La musique a cette incroyable force de pouvoir à la fois être le symbole d’une époque mais d’être aussi intemporelle. Puis, on ne va pas se le cacher, les années 70-80, pour nous jeunes qui n’avons pas connu cette époque, on nous la présente comme « the époque to vivre ». Et il y a un vrai engouement autour de ça, dans plein de domaines – même si récemment, c’est les années 90 qui ont la côte en termes de mode vestimentaire par exemple. Mais concernant le revival actuel de la chanson française, je prendrais l’exemple de Juliette Armanet qui nous livre de très belles chansons, qui ne sont pas sans rappeler le timbre de Véronique Sanson, mais remis au goût du jour, avec beaucoup de modernité, servies par un univers visuel léché et kitsch. Il y a aussi Eddy de Pretto, qui en musique, mêle rap/hip hop avec un timbre de voix et une diction façon grands chanteurs français, alors qu’il parle de thématiques vraiment contemporaines dans ses textes. Les hybrides, ça a quelque chose de fantastique!
La vidéo sort le 8 mars, pour la journée des droits des femmes. Te définis-tu toi-même comme féministe?
Bien sûr que je suis féministe. Il ne faut pas avoir peur de ce mot car son essence fondamentale est la prise de conscience qu’il existe une cause des femmes, et une volonté d’égalité sociale, économique et politique entre les hommes et les femmes. Il y a en fait plusieurs féminismes car il y a plusieurs courants du féminisme, et il existe certaines divergences au sein même de ces différents courants sur comment arriver à ces égalités et sur les systèmes responsables de ces inégalités. Donc, à chacun.e son féminisme en quelque sorte, tant qu’il n’empiète pas sur la liberté d’autrui. J’aurais du mal à me rattacher à un courant en particulier car il faudrait que j’aie pleinement connaissance de tout. Mais je dirais que je me situe à l’heure actuelle dans le féminisme intersectionnel et pro-choix. Le féminisme intersectionnel prend en compte le fait qu’il existe plusieurs croisements de systèmes d’oppression en plus du sexisme, notamment le racisme, la grossophobie, la classe sociale… Le fait d’être pro-choix, c’est laisser le choix à chaque femme de décider de faire ce qu’elle veut de sa vie et de son corps, sans qu’on ait à la juger là-dessus ou à prendre la parole à sa place. À mes yeux, le féminisme est un combat de société pacifique qui nous lie, et non qui nous sépare. C’est un pas vers le vivre ensemble, la liberté, l’égalité et la tolérance. Le féminisme n’est pas seulement une lutte pour les femmes, c’est un mouvement qui considère les rapports sociaux de manière générale et qui tend à vouloir les améliorer et les faire évoluer vers quelque chose de totalement positif.
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