Critique | Musique

Tyler, The Creator: le meilleur démarrage de l’année pour un album rap aux États-Unis

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Tyler, The Creator © DR
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Album - Chromakopia

Artiste - Tyler, The Creator

Genre - Rap

Label - Sony

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son nouveau Chromakopia, le rappeur Tyler, The Creator célèbre sa liberté, tout en ruminant sa crise de la trentaine. Aussi confus que touchant.

Tyler, The Creator a gagné. Cela n’a pas toujours été une évidence. Mais depuis quelques disques, c’est un fait. Cela irritait déjà DJ Khaled en 2019, quand l’album Igor chipait sa place de numéro 1 au Billboard américain. « Je fais des morceaux que les gens peuvent écouter dans la voiture, au salon de coiffure, etc., avait alors ruminé le producteur multi-certifié. Pas de la musique mystérieuse qui ne passe nulle part. »

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De fait, de ses débuts gore avec son collectif Odd Future à ses disques en solo, Tyler Okonma (Los Angeles, 1991) a toujours cultivé sa bizarrerie. Au fil du temps, il est devenu cette superstar indie, parmi les rares à résoudre la quadrature du cercle, consistant à allier audace musicale et aura pop. C’est plus que jamais le cas avec Chromakopia. Pour annoncer son nouvel album, Tyler, The Creator a commencé par balancer un court visuel, noir et blanc, dans lequel il apparaissait les cheveux en pointe et masqué, façon MF Doom ou L’homme au masque de fer. Dans la foulée, il publiait un premier single, Noid. Un drôle de morceau angoissé, griffé par des guitares heavy et samplant le groupe de rock zambien Ngozi Family. Pour couronner le tout, Tyler, The Creator s’est permis de sortir son disque un lundi -et non pas le vendredi, comme le prévoit l’industrie-, se permettant même d’omettre le nom de ses pourtant prestigieux invités –Lil Wayne, Schoolboy Q, Doechii, Sexyy Red, etc. S’il fallait encore une déclaration d’indépendance…

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Tout sur ma mère

Cette liberté, Chromakopia la célèbre, mélangeant rap grailleux et productions accidentées, beats étouffants et crème (neo-)soul, réconfort r’n’b et reliefs jazz. Un vrai feu d’artifice. Celui qui les allume a toutefois du mal à cacher ses doutes. À 33 ans, Tyler The Creator n’est plus le jeune chien fou de Yonkers. Sous le regard de sa mère -« ne cesse jamais d’être qui tu es », insiste-t-elle dans la première de ses interventions-, il rumine ses états d’âme. Cherchant l’amour, fuyant le couple (Darling, I), il avoue son égocentrisme -« that’s really why you scared of bein’ a parent » sur Take Your Mask Off. Ne vaut-il finalement pas mieux que son père absent, se questionne encore le rappeur sur Like Him. « C’est moi qui ai merdé, c’était mon choix et ma décision, ne lui en veux pas », glisse sa mère dans un disque qui prend presque des airs de thérapie familiale. Sur Hey Jane, Tyler, The Creator essaie même de se mettre à la fois à la place de la femme enceinte -« I’m 35, and my ovaries might not reset/I don’t wanna live my whole life feeling regret »-, et de l’homme -« Look Jane, it’s your choice at the end of the day ».

Tout cela fait de Chromakopia un disque (musicalement) touffu et pas forcément directement lisible. Mais captivant de bout en bout. Aux États-Unis, il a d’ailleurs effectué le meilleur démarrage de l’année pour un album rap. Tyler ,The Creator a beau se demander parfois si tout cela en vaut en peine, the weirdo is winning. Again…

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