Album - Atoll
Artiste - Tukan
Genre - Jazz
Label - Autodistribution
Lauréats du Concours Circuit 2020, les Bruxellois de Tukan sortent leur premier album. L’occasion d’en savoir plus sur ce drôle d’oiseau, entre effervescence jazz et envolées électro.
Le saviez-vous? Le Ramphastos toco, mieux connu sous le nom de toucan, régule sa température corporelle grâce à son fameux bec imposant. Le groupe Tukan prévoit, lui, des réunions pour ça, des moments où l’on dépose les instruments et prend le temps de causer. “J’appelle ça des instances”, dixit Andrea Pesare. “Je n’ai jamais compris ce mot!”, se marre Samuel Marie. “C’est vrai qu’on discute beaucoup. On fait souvent cette comparaison à la con, mais un groupe, c’est un peu comme une histoire de couple. Ce sont des sensibilités, des ego à fleur de peau. Il faut prendre soin de ça avant de se lancer sur le reste.”
Le reste, en l’occurrence, c’est un drôle d’hybride instrumental. Une formule musicale dans laquelle l’ADN jazz se frotte aux sonorités électroniques et aux évasions post-rock. Avec souvent en ligne de mire, la piste de danse, comme sur Opal ou le trépidant 206. Soit deux des sept titres qui composent le premier album de Tukan. Intitulé Atoll, il est l’œuvre d’un quatuor, formé par Nathan Van Brande (basse), Tommaso Patrix (batterie), Samuel Marie (clavier), et Andrea Pesare (guitare). On retrouve ces deux derniers attablés à une terrasse du Parvis de Saint-Gilles. Andrea précise: “On est un groupe de quatre, sans leader. Tant que tout le monde n’est pas convaincu par le morceau, on continue”. Ce que confirme Samuel: “C’est vraiment un travail collectif où chacun amène sa pierre à l’édifice. À ce niveau-là, on est assez complémentaire. Chacun a un peu sa spécificité”. Tukan donc, comme entité vivante et mouvante, où chaque pièce semble imbriquée aux autres. “Un collectif, ça n’est que ça. Il suffit qu’un élément change pour que toute la dynamique s’en trouve chamboulée.” Ils en savent quelque chose. Avant Tukan, le groupe a connu en effet une première vie.
Machine à danser
Au départ, il y a donc Nathan et Andrea, qui se rencontrent au Jazz Studio d’Anvers. Samuel n’est pas loin. Viennent s’ajouter un batteur (Arthur Lonneux, du groupe Saudade) et un saxophoniste (Ferdinand Lemoine). De quoi lancer Boucan, en 2015. Un premier “apprentissage” pour les jeunes musiciens, qui fonctionnent volontiers en mode “underground, sans structure, ni management”. Quel genre de bruit fait alors Boucan? Samuel: “C’était plus funk, plus groove. En mode “l’école du jazz qui fait des trucs dansants””, solos compris. L’aventure s’arrête après un peu moins de deux ans. La raison? Andrea: “On s’est engueulés, c’est aussi con que ça!” (rires) Arrivés en studio pour enregistrer un premier EP, le groupe se rend compte par exemple que le saxophone ne rentre plus dans l’équation. “On a fini par le retirer… Mais de toutes façons, le disque n’est jamais sorti.” Au même moment, Samuel doit également faire face à des problèmes de santé. Une dizaine de dates de concert sont annulées. Boucan a vécu… Andrea: “C’est le résultat d’erreurs de jeunesse, quand tu n’as pas la patience, ni le temps pour faire en sorte que ça fonctionne.” Samuel: “Puis, c’est aussi grâce à ce genre d’expérience que tu comprends que les relations humaines dans un groupe sont aussi importantes que la musique.”
C’est d’ailleurs sur cette base que Tukan va rapidement succéder à Boucan. Andrea: “Avec Nathan et Sam, on s’est rappelés dans la semaine pour relancer quelque chose. Ça faisait déjà deux ans qu’on se construisait ensemble, qu’on façonnait un vocabulaire commun. Ç’aurait été trop bête de cramer ça.” Deux personnes en moins, une nouvelle en plus (Tommaso à la batterie), et cela change tout. “C’est impressionnant! Pas seulement musicalement, mais aussi dans les comportements de chacun.”
Tukan repart d’une page vierge, sans plan précis, en laissant libre cours aux instincts de chacun. Samuel: “Pendant les deux, trois premiers mois, c’est parti dans tous les sens. De l’ambient au metal, en passant par l’afrobeat.” En résumé, un beau b… Comment faire atterrir ces différentes explorations? Le Concours Circuit arrive à point. Quand Tukan s’inscrit, il est obligé de faire le tri et de préciser la zone de tir.
Sélectionné pour les lives, le futur lauréat de la promotion 2020 présente sur scène l’option qui lui semble la plus aboutie. Andrea: “Soit quatre titres, 20 minutes de musique en tout.” Samuel: “C’est aussi l’énergie du concours qui nous a poussés dans cette voie-là. On a pu voir que la formule fonctionnait, qu’elle avait du sens.” Plus précisément, Tukan concentre son énergie pour se transformer en une machine à danser, ramenant des grooves longs en bouche. Andrea: “Au départ, une de nos grosses références était par exemple la musique de STUFF. Par rapport à Boucan, on avait en tout cas envie d’une musique moins “lisse”, plus poétique, plus deep.”
Voilà pour le programme. Quant à la méthode, elle est simple: les quatre se retrouvent pour jammer ensemble (dans leur local de répétition au Volta, à Anderlecht, ou lors de résidences à Feluy, là où Andrea a installé son studio), enregistrent le tout, et réécoutent les sessions pour en retirer les meilleures idées. Samuel: “Ce qui est terriblement chronophage et énergivore.” Andrea: “Mais c’est ce qui fonctionne le mieux. On a essayé par exemple d’organiser des sessions de travail par deux, en lançant des idées sur l’ordi. Mais ça n’a jamais donné grand-chose. L’essence du projet, c’est vraiment le clash instantané de nous quatre devant nos instruments. C’est ça qui fait l’émulsion Tukan.”
Sur Atoll, cet ordre de mission aboutit aussi bien à des cavalcades dance (Raymond) qu’à des plages plus cinématographiques, quasi ambient (Beluga). Et Tukan de pouvoir ainsi se produire à la fois dans un festival électro allemand mais aussi dans des événements jazz, ou même à l’affiche de Dour. “Récemment, on s’est même retrouvés à jouer dans un musée, à Dunkerque, devant un public assis. Après trois morceaux, la moitié de la salle était debout!” Tukan tout-terrain.
Tukan, Atoll (7). En concert ce 26/11 au Belvédère (Namur) et le 30/11 à l’AB (Bruxelles).
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