The Limiñanas: ne cherchez plus les nouveaux sauveurs du rock made in France
À l’affiche du Micro Festival le 4 août, les Limiñanas racontent les années lycée sur Shadow People. Disque initiatique qui croise Bertrand Belin, Peter Hook, Emmanuelle Seigner et Anton Newcombe.
Ce soir-là, au Trianon, tout le monde à part l’ex-New Order Peter Hook est là. Le dandy Bertrand Belin débarque chanter Dimanche. Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre se pointe pour Istanbul Is Sleepy. Et Emmanuelle Seigner, dans une combinaison rouge de pilote automobile, intervient sur Shadow People. Après de longues années de galère, l’heure est à la consécration pour les Limiñanas. En février, le couple de rockeurs psychédéliques originaire de Cabestany dans les Pyrénées orientales faisait d’ailleurs la couverture d’un Rock & Folk avec Thee Oh Sees et King Gizzard dedans. Pour parler de leur disque, les charmants Lionel et Marie Limiñana accueillent dans leur loge et décapsulent une bière. C’est Lionel qui répond. Rencontre sans chichis…
Comment est né Shadow People, avec cette idée de récit initiatique adolescent?
Lionel: Je n’arrive pas à m’en souvenir. J’imagine qu’on a dû croiser quelqu’un, réécouter un disque, regarder un film. Mais je ne sais pas ce qui a déclenché tout ça. Peut-être le morceau Pink Flamingos, qui figure sur l’album et que j’avais écrit avec mon ami Guillaume Picard quand j’étais étudiant au Lycée Jean Lurçat. J’avais 16 ou 17 ans. C’était les premières répètes. Les premiers concerts à l’arrache. À Perpignan, il n’y avait vraiment aucun endroit pour répéter ou se produire en live à l’époque. On jouait dans les PMU et les salles des fêtes. Il y avait des descentes de flics tout le temps parce qu’on faisait du boucan. Marie était devenue une experte pour dénicher des bars qui cartonnent sur la côte pendant l’été mais qui sont totalement abandonnés dans le no man’s land l’hiver. Fin des années 80, c’était vraiment ça l’atmosphère. Le disque est un témoignage de cette période. Il a été monté comme une BO avec l’idée, sans être complètement autobiographique, d’évoquer ce moment particulier qu’est l’arrivée au lycée. Ce sentiment de pouvoir enfin trouver ta place. De te sentir à l’aise avec des gens pour la première fois. Ces gens, c’était les bandes de l’époque. Celles qui se promenaient dans les cours de lycée. En tout cas chez nous. Des skins, des punks, des naughty boys, des rude boys. Il y a avait aussi des babas, des métalleux genre débuts de Metallica.
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C’était quoi votre famille à vous?
Je fréquentais tout le monde mais j’étais plus ou moins mod comme mon frère Laurent. L’époque du revival 1979-1980. Quand j’étais petit, il allait souvent en Angleterre, me ramenait des Creepers. Je n’ai jamais eu de Vespa mais j’écoutais leurs trucs. Mon frère Serge avait, lui, une collection de disques allant de Pharoah Sanders à Joy Division. Au milieu, tu trouvais du rhythm’n’blues, les Stones, les Who. Il m’a offert le live du MC5, fait écouter le premier album des Doors, les Stooges aussi. Ça, c’est hyper important. Ma frangine Domi, elle, était dans la pop de son temps. J’ai grandi là-dedans avec une prédilection pour la musique sixties. La musique populaire sixties anglaise et américaine telle que tu pouvais la trouver dans les supermarchés. Les Monkees, les Stones plus que les Beatles, les Kinks… Puis ce que je dénichais chez Lolita, le maga indé de Perpignan…
Il n’y avait pas d’endroit où jouer mais on trouvait des disquaires…
Au moins six ou sept où tu pouvais aller glander le samedi après-midi. Dont trois ou quatre vraiment cool. Il y avait aussi trois bonnes librairies. Dans cette ville où il n’y avait vraiment rien à foutre, on passait notre temps chez les disquaires, les marchands de bouquins et les magasins de haschich. C’était super bien achalandé. Ces mecs-là ont éduqué pendant très longtemps des tas de types comme nous. Ce qui a fait qu’à un moment, dans les années 90, tu avais carrément à Perpi une scène garage avec dix ou douze groupes. Les Sonic Chicken 4 signés chez In The Red. Plus tard, il y a eu Jack of Heart, les Fatals, les Feedbacks… Nous, on a joué dans les Bellas. J’ai aussi eu les Beach Bitches. Tout ça est resté très confidentiel. C’était l’avant-Internet. L’époque de la distribution dans une enveloppe à la poste.
Durant les années 90, vous avez eu votre propre magasin…
Il s’appelait Vinyle Maniac. Comme des crétins évidemment, c’était quand le vinyle n’intéressait personne. On s’était spécialisés dans l’import US et anglais. On était aussi dans l’organisation de concerts. On a fait jouer un max de mecs à Perpignan dans des endroits improbables. Des caves de café, des trucs où tu rentrais à 30. On en a fait plein. Ils dormaient tous chez nous. Ça m’a moins intéressé quand c’est devenu plus heavy. Quand des groupes comme les Hellacopters sont arrivés. Même si j’aime beaucoup Black Sabbath, Motorhead et compagnie, ça m’a juste pas ému. Ça m’a rien fait. À cette époque, on s’est mis à lever le pied un peu. On a vu arriver les Hives quand ils coûtaient encore 2 500 francs et c’était déjà trop cher pour nous. C’est drôle parce qu’aujourd’hui, pour leur payer leur cachet, il faudrait vendre la maison. Ces mecs tournaient encore dans un circuit qui était le nôtre. Le prix des groupes a grimpé. Nous, on a fermé la boutique. On a perdu pas mal de ronds. À l’époque, on s’est mis à écouter un tas d’autres trucs. À bloquer sur la soul, Sly and the Family Stone… Je mixais souvent. On a fait un break sur les groupes de notre temps pour nous repencher sur ce qu’on aimait adolescents.
Vous avez des gosses? Il y a encore des familles maintenant dans les cours d’école?
On a un gamin mais des familles il n’y en a plus beaucoup j’ai l’impression. Là, il n’est pas encore au collège, il a onze ans. Mais ça n’existe plus. Il n’y a plus vraiment de bandes avec des looks identifiés et un état d’esprit particulier. Ou alors, ce sont des mecs de notre âge. On a des potes qui étaient mods dans les années 80 et qui le sont restés. Mais chez les mômes… Regarde les concerts de garage. Je pense qu’il y a des gosses qui vont voir les Black Lips le lundi et un set de Garnier le mardi. De notre temps, il y avait des dogmes hyper puissants. Tu avais des mecs qui arrêtaient d’écouter les Who après 66 parce que sinon c’était scandale. Je pense que tout ça a disparu. On s’est pris un abonnement Spotify. Je trouve ça mortel. Tu lis une critique, tu peux checker tout de suite. Ça t’ouvre un tas de portes. Par contre, j’ai un problème avec la consommation kleenex… Notre gosse, on lui laisse un accès super restreint à Internet parce qu’on flippe un peu. Mais je lui fais des clés USB. Au moins, il a un support limité à un certain nombre de titres. Et je sais qu’il bloque dessus, qu’il connaît les chansons. Il écoute des trucs abominables. Que de la daube (rires). Mais je suis content qu’il se concentre sur quelque chose. C’est vraiment cool pour les mômes d’aujourd’hui mais je suis nostalgique de l’époque où tu passais vraiment du temps avec un film, un disque ou un livre.
Votre album a été produit par Anton Newcombe. Vous l’avez rencontré comment?
Quelqu’un lui a filé la compile Down Underground avec nos quatre premiers disques. On n’est pas très réseaux sociaux mais je pense qu’il a twitté qu’il aimerait faire un truc avec nous. C’était il y a trois ans maintenant. Il nous a invités au Trianon pour assurer sa première partie. Il a écourté son set pour qu’on puisse jouer. Il n’a fait que des trucs comme ça pour nous. Que nous aider. À un moment, on a repris un titre des Kinks pour une compile du magazine Mojo et on lui a demandé de chanter. C’est le premier truc qu’on a enregistré ensemble. Après, il aimait l’idée de collaborer mais il voulait qu’on le fasse dans la même pièce. On s’est donc rendus à Berlin. Anton avait invité Andrea Wright, son ingé son. Comme Andrea mixait au fur et à mesure, le disque nous est apparu progressivement. On est restés quatre jours. Anton entrait et sortait avec des guitares, des mellotrons… On a vu Dig! 50 fois (documentaire de 2004 sur The Dandy Warhol et The Brian Jonestone Massacre, dont Anton Newcombe est le leader, NDLR). On est très fans. Mais on connaissait le BJM avant le film grâce à notre magasin. On bossait avec un mec de San Francisco qui distribuait toute la scène garage psyché américaine. On importait en quantité homéopathique ses disques en même temps que les premiers White Stripes. On en vendait très très peu… Je n’avais pas d’appréhension. On a toujours bossé avec des caractères forts. Ça ne me fait pas flipper du tout. En plus, il est tout le contraire de ce qu’on voit dans le film. Il est adorable, attentionné et musicalement, c’est un pur tueur. Il y a une vraie morale au final. Parce que c’est lui le grand gagnant de cette histoire. Artistiquement, il a fait plus de choses intéressantes que les Dandy Warhols et il a sans doute davantage gagné le respect du public.
Bertrand Belin, Emmanuelle Seigner… Il y a des fameux invités sur votre album.
C’est un pur hasard. On ne s’est pas dit qu’on allait faire un disque avec des featurings. On a l’habitude depuis longtemps d’inviter des gens, ou pas, sur les morceaux. La plupart du temps, c’était plutôt des copains de Perpi. Sauf qu’en tournant, on a rencontré plein d’autres gens. On s’est fait potes avec Bertrand en Australie. On était sur la même tournée de groupes francophones. On a trouvé son concert et ses textes déments. Avec Bertrand, on s’entend sur tout. Humainement, ça s’est passé direct. Il a joué dans des groupes de rockabilly quand il était plus jeune. Un truc qui nous touche aussi. Il a une écriture et une manière de raconter les histoires carrément dingue. En rentrant, on lui a envoyé des démos. Il joue du violon sur un titre du maxi. Puis aussi du clavier. Et il a écrit le texte de Dimanche. Emmanuelle, c’est un ami commun qui nous a présentés. Elle voulait refaire de la musique. Elle est venue dans notre village discuter. On lui a fait écouter Shadow People. On a bu un café. Et on est descendus enregistrer. On a fait ça en une demi heure et puis on est partis manger. On a un studio assez rudimentaire à la maison. Une espèce de garage qu’on a un peu isolé.
Quel rapport entretenez-vous avec le kraut?
Je l’ai longtemps négligé. Délit de faciès. J’aimais bien Can mais je mettais tout le reste dans le même panier que plein de groupes horribles de hippies allemands qu’on détestait. Un jour, en allant manger un bout à Figueras avec Pascal Comelade, on s’est arrêté chez Quim, un disquaire mythique, qui avait un stock de Can énorme. Pascal m’a conseillé et on a surbloqué comme il y avait longtemps que ça ne nous était plus arrivé. Le frisson et tout… Ça a commencé à nous influencer sur le live. On s’est mis à étirer les titres, à prévoir des parties plus noise. On s’éloigne de plus en plus du côté pop sixties française des débuts, si on l’a jamais eu, pour aller vers un truc un peu plus raide. Du moins je crois. L’ambiance orientale? On adore ça. Même des trucs de cinéma. Marie est folle de culture marocaine. Les compiles de psyché turc aussi. On a des disques libanais mortels. Avant, on en écoutait plein. Toute la journée. En faisant le ménage.
Shadow People, distribué par Because/News. ****
Le 03/08 au Moods (Bruges) et le 04/08 au Micro Festival (Liège).
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Neuvième édition pour le plus sympa des festivals liégeois. Le Micro, petite nouveauté cette année, se déclinera sur deux jours et un soir. L’occasion pour le coup d’accueillir The Notwist… Les Allemands ouvriront le jeudi avec Condor Gruppe, les gamins anversois d’Ennio Morricone, et Jawhar, l’aérien folkeur hennuyer tunisien. Petit durcissement de ton le lendemain. Le synth punk de Komplikations bagarrera avec le post-punk taré et polyglotte de Baya Computer et le kraut écolo masqué des Snapped Ankles. Samedi, le post-rock doom oriental de Wyatt E., le rock vintage des Mystery Lights (visa du label soul Daptone) et le furieux duo expérimental barcelonais Za! partageront entre autres l’unique scène du festival avec les Limiñanas. 2.000 personnes, 26 euros le pass. Mini festoche, mini prix… Le Micro fait le maximum.
Micro Festival, du 02 au 04/08, à l’Espace 251 Nord à Liège. www.microfestival.be
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