Invité aux Francos, The Doug sort son 1er album: « Il y a quand même un truc chez les gens de mon âge qui n’est pas très jojo »

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Sur son premier album, réparer, le Français The Doug louvoie entre tourments persos et angoisses générationnelles. La plume désenchantée sous les mélodies variétés. Une future star? Présentation avant son concert aux Francofolies, ce vendredi

Si la vie, quand elle n’est pas trop chienne, se débrouille toujours pour vous offrir son lot de pralines, immanquablement, elle vous colle aussi des baffes. Pas besoin de convaincre The Doug sur le sujet: il s’en est déjà prises quelques-unes. Reste à trouver la bonne manière de les encaisser. Humour pince sans-rire et moue à la Droopy, il explique: « Je ne sais pas pourquoi je suis éventuellement plus apte à être triste que d’autres. L’un de mes meilleurs amis est tchétchène. Il est né là-bas et est arrivé en France avec sa famille. Il a vécu des événements très trash. Et pourtant il n’a pas le même rapport aux choses. Il a une vraie force en lui, en mode warrior. Alors que moi, je ne fous rien. Je suis une petite lavette qui écris des chansons… »

OK. Mais, même au temps des ingénieurs et des managers spécialisés ès tableaux Excel, cela peut s’avérer utile. Ne serait-ce que pour l’intéressé. Quand bien même les seuls ponts que The Doug aurait bâtis jusqu’ici seraient ceux de ses chansons -trois minutes max, condensées serrées-, celles-ci pourraient l’emmener loin. À 23 ans, Jules Garnier de son vrai nom est ainsi signé sur une grosse major, Universal. Et, alors qu’il sort son premier album, les frémissements, voire les premiers signes d’emballement, sont palpables pour celui qui a notamment déjà joué en première partie de Gaëtan Roussel ou d’Eddy de Pretto.

Le goût de The Doug

On a souvent fait la comparaison avec ce dernier. Notamment pour leur manière commune de chanter les excès et la Fête de trop. Mais aussi de jongler entre chanson et codes plus « urbains ». Né à Clermont-Ferrand -pas vraiment un creuset du hip-hop francophone-, The Doug est en effet passé par le rap. « Pendant tout un moment, je n’écoutais que ça, toute la journée. Je passais mon temps à fouiller sur SoundCloud. J’écrivais des multisyllabiques et je participais à des open mic. Ou on se retrouvait simplement pour rapper autour d’une enceinte sur un parking. »

Avant cela, il y a également eu le rock. Ses vraies premières amours. « Quand j’ai découvert System of a Down, par exemple, j’ai pété un plomb. Et puis des groupes comme Linkin Park, ou les Red Hot Chili Peppers. » De ce passé rock, il garde la dégaine de branleur un peu foutraque« The Doug, ça fait un peu The Big Lebowski », signale-t-il. Il porte le blaze depuis la classe d’anglais: « La prof voulait que chacun se choisisse un prénom à consonance anglophone. J’ai opté pour Douglas, qui était le prénom d’un pote de mon grand frère. Un Écossais au milieu de l’Auvergne, je trouvais ça trop stylé… »

Sous ce pseudo, Jules Garnier joue, écrit et compose, principalement à partir de sa guitare. Sa mère lui offre sa première à ses 12 ans. « Mais je n’ai jamais cherché à être spécialement bon. Je voulais surtout pouvoir m’en servir pour mettre en musique les poèmes que j’écrivais à l’époque. » C’est aussi à cet moment-là que son père décède. Et que tout vacille.

Péril jeune

Ce chaos, il en parle dans ses chansons. D’abord à demi-mot. Comme sur son premier EP, en 2018. Intitulé Extincteur, il sort de manière plutôt confidentielle, la rime encore parfois forcée, publié sur ce qui est présenté comme un label hip-hop. Faux départ. Le doute s’installe. Après le lycée, il enchaîne le service civique puis une première année en fac de Lettres à Lyon. Juste avant que le Covid ne débarque, il s’inscrit quand même au concours des Inouïs du Printemps de Bourges, sans vraiment trop y croire. « Des fois, faut être un peu abruti, ne pas se poser trop de question, quand on veut être artiste. » Il finit par 
remporter le prix du Public et affine son projet.

En 2022, l’EP Jeune The Doug a laissé tomber ses derniers tics rap. Et ne s’embarrasse plus de paraphrases, remuant le couteau directement dans la plaie. Comme quand The Doug évoque par exemple la dépression de sa mère: « Pourquoi tu te lèves jamais quand on part à l’école/La dépression c’est jamais vraiment drôle/Comment dire à mes amis qu’ma mère est pas vraiment folle » (Dans le décor).

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Après Mauvais joueur, l’an passé, The Doug présente donc aujourd’hui son premier album, réparer. Si on y entrevoit davantage la lumière, le jeune homme continue de ruminer ses doutes et ses angoisses, sans prendre de gants. Ici, il évoque l’ado autodestructeur –« SOS pour juste oublier que je me déteste/Je frappais pour ne plus voir le reste » (SOS). Là, il dresse le portrait d’une génération paumée, s’anesthésiant dans les réseaux et la défonce –« Comme tous les samedis soir, on part en banlieue s’amuser/On visite les hangars, un peu moins les musées/De toutes façons ils vendent pas de crack à la fin des musées » (On savait s’amuser). Ou encore « J’ai les yeux qui se ferment/Et de la chimie au fond de la gorge » (Poison). « Y a quand même un truc chez les gens de mon âge qui n’est pas très jojo », euphémise-t-il…

L’étoffe d’une star

Ce malaise, il le décrit sans prendre beaucoup de chemins détournés. Un peu à la manière du Orelsan vachard des débuts. Mais sur des mélodies qui le rapprochent davantage de… Vianney. Le grand écart? « Faut pas se mentir, il y a une partie de moi qui aimerait bien faire de la musique plus extrême ou expérimentale. Mais cela demande des compétences que je n’ai pas. Moi, je sais écrire des chansons et chanter juste. Enfin, avec une certaine personnalité. Du moins, c’est ce qu’on me dit… »

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Dans les années 90, The Doug aurait pu ainsi figurer une version française de Beck et chanter Loser, en crachant sur MTV. Raccord avec son époque et sa génération, il ne fait, au contraire, pas semblant de refuser la consolation qu’apporte le succès. « J’écoute du black metal, du shoegaze, ou des trucs électroniques comme Aphex Twin ou Boards of Canada. Mais ce n’est pas ce que je veux faire avec ma musique. Je n’ai pas envie qu’il faille être un « connaisseur » pour l’apprécier. Je veux qu’elle parle à un maximum de gens. Parce qu’au fond, j’ai toujours voulu être une star… » Sur réparer, même si certaines mélodies sèment parfois la confusion, à force de glisser trop vers la variétoche, il en a en tout cas l’étoffe. Un peu plus tard, il précise encore: « Ce discours, je ne l’aurais peut-être pas tenu il y a encore trois mois, quand j’étais à deux doigts de me reprendre des cachetons. Mais là, je suis d’humeur « vainqueur », powerful, j’ai envie d’y croire. » Nous aussi.

The Doug, réparer, distribué par Universal. 
En concert le 19/07 aux Francofolies de Spa, 
et le 26/09 au Botanique, Saint-Josse-ten-Noode.


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