Album - Songs of a Lost World
Artiste - The Cure
Genre - Rock
Label - Universal
Seize ans (!) après son dernier album, The Cure relance la machine à spleen avec Songs of a Lost World, retrouvant les hauteurs glaçantes de son classique Disintegration. Poignant.
Faut-il faire confiance à un type qui affiche la même coiffure ébouriffée et le même rouge à lèvres hasardeux depuis plus de quatre décennies? Pas forcément. Régulièrement, tout au long de son existence, Robert Smith a annoncé la fin de son groupe. Tout aussi fréquemment, ces dernières années, il a annoncé l’arrivée imminente d’un nouvel album. Résultat: The Cure est toujours là. Et il aura mis seize ans à publier Songs of a Lost World…
À en croire l’intéressé, le plan, imaginé dès 2016, était pourtant clair: retourner en studio avec ses collègues pour sortir un disque, juste à temps pour célébrer les 40 ans du groupe. De fait, il y avait matière à fêter une formation qui a marqué les années 80 et 90, héros new wave devenus figures pop tout court. Un groupe aussi qui n’a jamais vraiment cessé de tourner, n’hésitant pas à se lancer parfois dans des sets de 3 heures.
Autant de raisons donc de se réjouir. Sauf qu’au lieu du feu d’artifice prévu, Songs of a Lost World est surtout un disque sépulcral et mélancolique. Une collection fascinante de huit chansons sombres, hantées par la perte et le temps qui passe.
This is the end
Le single Alone avait donné le ton. Avec sa longue intro, il semble presque avancer contre son gré, poussé dans le dos par des claviers polaires. « This is the end of every song that we sing », entame Robert Smith, alors que le morceau a déjà dépassé la moitié de sa durée. Il est la porte d’entrée d’un disque qui se termine un peu plus de trois quarts d’heure plus tard, avec les 10 minutes d’Endsong, et un autre constat funeste: « It’s all gone/Nothing left of all I loved. »
Entre les deux, The Cure laisse bien passer ici et là la lumière. And Nothing Is Forever, par exemple, planque son spleen sous une mélodie élégiaque. Et un morceau comme Warsong tempête sous les coups de butoir des guitares, tandis que Drone: Nodrone laisse de la place pour un solo quasi funky, façon Never Enough (le single de 1990). Pour autant, Songs of a Lost World avance avant tout dans un clair-obscur funèbre. À l’instar du magnifique I Can Never Say Goodbye, que Robert Smith a écrit à la suite du décès de son frère.
Le terrain n’est évidemment pas inédit pour un groupe qui n’a jamais hésité à creuser les humeurs les plus cafardeuses. Les uns et les autres ont d’ailleurs déjà comparé Songs of a Lost World aux chef-d’œuvres spectraux que sont Pornography (1982) et Disintegration (1989). D’autant plus que la voix de Smith, 65 ans aujourd’hui, est restée quasi la même. Malgré cela, The Cure ne se contente pas de rabâcher. Dans une interview, le chanteur explique: « Quand vous êtes plus jeune, vous pouvez avoir tendance à romantiser la mort, même sans vraiment savoir. Et puis à un moment, ça commence à toucher votre famille immédiate et vos amis, et soudainement ce n’est plus la même chose. » De fait, l’âge a offert un nouveau point de vue à celui qui fixe aujourd’hui la fin de The Cure à 2029. On sait bien ce qu’il faut penser des deadlines données par Robert Smith, il n’empêche: si c’était le cas, Song of a Lost World constituerait un magnifique chant du cygne.
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